Happy to share le nouveau numéro des Confettis avec mon interview – si bien illustrée par Flora Gressard- de la fabuleuse Aurélie JEAN, PhD !! Si ce n’est pas fait, abonnez-vous au magazine, c’est juste ici: https://lnkd.in/dm93Pwr
Happy to share le nouveau numéro des Confettis avec mon interview – si bien illustrée par Flora Gressard- de la fabuleuse Aurélie JEAN, PhD !! Si ce n’est pas fait, abonnez-vous au magazine, c’est juste ici: https://lnkd.in/dm93Pwr
Devenu le rendez-vous annuel incontournable de New-York, le W.In Forum a su réinventer son approche pour sa troisième édition, ce 20 mai 2018. Cette fois, la pétillante et énergique Catherine Barba a ouvert le bal en nous promettant d’apporter des réponses à la difficile question de l’innovation et de la diversité. Après deux éditions, le champ d’examen s’ouvre donc et est étendu à la diversité en général, dépassant le seul cadre des femmes. Une problématique abordée sous une multiplicité d’angles, de la politique à la finance en passant par l’entreprenariat et la jeunesse.
Chaque année, le W.In. Forum NY accueille des visiteurs toujours plus nombreux : 700 personnes venues du monde des start-ups, de l’entreprise et du secteur public se sont, cette fois, réunies pour assister à des débats autour de l’innovation et de la diversité. Comment l’une entraine l’autre ? Comment concilier les deux ? Comment imposer la diversité au sein des organisations ? Comment innover en confrontant des personnalités diverses ? La diversité est-elle un levier pour l’innovation ? Des experts et des témoignages inspirants à foison, de quoi réfléchir à une nouvelle approche de l’entreprise et, plus largement, de la société : telle était la proposition de Catherine Barba, femme d’affaires et de communication toujours à la pointe sur ces sujets.
Il est toujours difficile de débattre de diversité et d’innovation sans tomber dans des lieux communs ou énoncer des platitudes. On le sait, la diversité favorise la croissance économique des entreprises. On sait également que c’est une condition sine-qua-non de la bonne santé d’une société dans son ensemble. Ce sujet, si souvent traité par les médias et pourtant en cruel manque de solutions concrètes, en était presque devenu lassant. Heureusement, le W.In Forum NY 2018 a su éviter cet écueil en faisant intervenir des profils peu connus, sortant de l’ordinaire et toujours d’une grande qualité. On compte ainsi, parmi les intervenants, un futur candidat à la présidentielle américaine, une athlète de haut niveau, des chercheurs, des cadres de tous secteurs, des auteurs, des fondateurs de start-ups de tous âges et venus de tous horizons. Réunir un tel éventail de profils était une gageure mais surtout la preuve que c’est lorsque l’on confronte des points de vue différents qu’émergent des idées toutes nouvelles.
Sur le plan politique tout d’abord. Car il fut souvent question, au sein des débats, d’innovation civique et de redéfinition des valeurs qui doivent guider le monde. Avec l’accroissement des échanges entre les populations, la montée en puissance des réseaux sociaux et la radicalisation des discours, le modelé économique actuel touche ses limites. Les Etats-Unis voient leur espérance de vie baisser avec une grande vague de suicides et d’accidents graves. Plus d’humanité, plus d’entraide, plus de dialogue, tels sont les points sur lesquels fonder la politique de demain. C’est ce que défend Andrew Yang, futur candidat démocrate a la présidentielle, désireux de sortir les Etats-Unis de l’ère Trump, qu’il juge clivante, conservatrice et consumériste. Son programme : rassembler les individus foncièrement différents pour faire émerger une nouvelle façon de faire de la politique, au service de tous. La société ne s’élèvera que si elle promeut cette diversité.
Concernant le monde de l’entreprise, le panel d’experts et d’intervenants couvrait un très large spectre : de l’entrepreneur individuel à la multinationale, on apprend que la diversité est au cœur de toute innovation. Diversité entre les générations tout d’abord, quand un architecte, patron de Woodoo, nous montre comment faire du neuf avec du vieux et explorer des matériaux traditionnels avec notre technologie actuelle. Diversité entre hommes et femmes : des femmes charismatiques prennent la parole pour prouver que leur parcours est tout aussi méritoire que ceux de leurs homologues masculins. Diversité physique : une mannequin nous parle de son combat contre les préjugés grossophobes de l’industrie de la mode. Diversité ethnique, handicap, dépassement par le sport… tous les cas ont été traités en cinq heures.
Enfin, on apprend qu’un sondage de Forbes a fait apparaitre que 58% des dirigeants pensaient que la diversité dans l’entreprise était cruciale pour sa réussite. De ce constat aux faits, il y a pourtant un grand pas que nous n’avons pas encore franchi. Il faut alors parfois employer la méthode forte et contrôler, par exemple, la visibilité des femmes. C’est ce que s’attache à faire Bloomberg News, notamment : « Nous prenons en compte qui écrit les articles, qui sont nos sources, qui sont les personnes citées dans les articles, qui apparait sur les photos », explique Laura Zelenko, senior executive director. Tous les managers sont incités à rendre les femmes aussi visibles que les hommes. Un outil informatique a même été mis en place en interne pour effectuer une veille par journaliste, par équipe et par type d’article. « Malgré tous ces efforts, cela reste une tâche très difficile à accomplir », avoue Laura Zelenko.
Au terme de cette intense journée, le défi proposé de prime abord par la maitresse de cérémonie est largement relevé. On ressort de ces sessions avec un espoir immense pour la suite et la conviction qu’il existe une communauté grandissante qui vise plus de brassage, plus de diversité et d’échanges pour faire émerger des idées nouvelles. Merci à Catherine Barba de réunir, chaque année, des intervenants de qualité portant un discours d’espoir aussi fort !
Le top 5 phrases entendues au Win Forum NYC 2018 :
« We need to prioritize humanity over the market », Andrew Yang, futur candidat democrate a la presidentielle americaine
« Nous avons une responsabilité collective : celle de réinventer le système dans son ensemble », Anne-Claire Legendre, Consul général de France a NY
« Chacun doit créer le mode de vie qui lui convient le mieux. Il faut créer sa propre normalité », Georgia Garinois Melenikiotou, executive VP chez Esthée Lauder
« Une équipe est beaucoup plus créative quand elle rassemble des gens de générations et d’horizons différents », Carlos Ghosn, PDG de Renault
« Je n’ai jamais pensé une seule seconde que j’étais différente parce que j’étais la seule femme assise à une table de réunion. La tolérance et la diversité commence par l’éducation que l’on a reçue à la maison », Mayar Gonzalez, Directrice générale de Nissan Mexique.
Rencontre avec… Maurin Picard, journaliste correspondant aux Etats-Unis pour Le Figaro.
Journaliste depuis 19 ans, Maurin Picard s’est installé en 2011 à New-York pour y couvrir l’actualité politique et économique du pays. Il est, aujourd’hui, correspondant du Figaro mais également du Soir (Belgique) et du quotidien régional Sud-Ouest. Passionné d’Histoire, il nous livre sa vision du journalisme. Retour sur un parcours aux quatre coins du monde, et réflexion sur le journalisme aux Etats-Unis.
Qu’est-ce qui vous a conduit au journalisme et quel est votre rapport à l’information ?
Jeune, je rêvais de diplomatie et de « terrain ». Envoyé par le ministère des Affaires étrangères et l’OSCE au Kosovo, en 1998, je me suis retrouvé, non à organiser la tenue d’élections libres comme cela était prévu, mais à recenser les exactions d’une sale guerre entre le pouvoir serbe et la guérilla kosovare. « Casque bleu » civil impuissant, j’ai vu, pour la première fois, le pouvoir des reporters qui se trouvaient là, à enquêter, écrire et diffuser le récit de ce qui se tramait dans ce coin des Balkans. Sans ornières, et sans la censure.
Ce fut une révélation, tardive. J’ai renoncé à mes rêves de poursuivre une carrière diplomatique pour laquelle de toute façon je n’étais pas fait, et me suis lancé à corps perdu dans le journalisme, pour apprendre le métier sur le tas, sans passer par une école spécialisée comme 80% de la profession, d’ailleurs !
De cette vision romantique initiale, vieille de vingt ans, je conserve une conviction forte : écrire les articles que je voudrais lire, être en mesure de « raconter une histoire », lorsque des grands formats sont possibles, et « aimanter » le lecteur. C’est l’héritage d’Albert Londres. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire !
En 1999, je suis donc rentré en France, j’ai décroché des stages notamment à Libération et au Figaro. En septembre 2001, je devais démarrer un nouveau stage, mais l’histoire en a voulu autrement. Alors que tous les correspondants avaient les yeux braqués sur l’Afghanistan et la Somalie, j’ai sauté sur l’occasion du 11-Septembre pour proposer des reportages dans des lieux ou les journalistes n’étaient pas présents : en Iran et en Irak, notamment.
En 2003, après l’invasion de l’Irak, je m’installe à Vienne (Autriche) comme correspondant en Europe Centrale. De là, j’ai pu couvrir l’élargissement à l’est de l’Union européenne (2004) puis l’extension de l’espace Schengen (2007), pour la presse écrite et la télévision (France 24 prenait tout juste l’antenne). Ce fut une période très exaltante pour le journalisme, un moment historique.
En 2011, par choix familial, je me retrouve à NYC, la ville au monde qui bénéficie probablement de la plus forte concentration de journalistes francophones. J’y suis correspondant essentiellement pour deux quotidiens de presse écrite, Le Figaro et Le Soir.
Est-ce que le métier de journaliste est le même à New York qu’en Europe ?
Les Américains sont des gens plus ouverts, connectés et portés sur les réseaux sociaux. Il est plus facile, en règle générale, de décrocher une interview avec des personnaliés du monde politico-économique. On peut rencontrer un acteur, un élu, un universitaire renommé avec une grande facilité via les réseaux sociaux. Le Figaro est également une très bonne carte de visite : c’est un des titres français les plus connus au monde.
On pourrait croire que la communication, outre-Atlantique, est très calculée, très verrouillée…
Ce n’est pas mon expérience. On ne me demande presque jamais de relire mes papiers ou interviews avant publication. Pour un journaliste, c’est un réel plaisir de travailler ici. Les Américains aiment s’exprimer, n’ont pas de frilosité à prendre la parole en public et sont faciles d’accès. Il y a quelques mois, j’ai ainsi croisé le maire de Memphis dans la rue à l’occasion des 50 ans de la mort de Martin Luther King. Elu démocrate de premier plan dans le « sud profond », il n’a pas hésité une seconde à répondre au débotté à mes questions. Certes, la peur de la citation erronée est parfois présente, mais le respect instinctif de la presse reste profondément ancré dans la société. Les journalistes sont globalement très respectés. Du moins jusqu’à une certaine élection en 2016 …
A votre avis, quelles sont les grandes différences entre la pratique du journalisme américain et français, en termes de méthodes de travail et d’écriture ?
Le journalisme anglo-saxon obéit à des codes rigoureux. Pas de fioritures dans « l’accroche» : qui, quoi, où, quand, comment. En parcourant un article, le lecteur doit savoir, dès le premier paragraphe, de quoi il en retourne. Les faits, rien que les faits ! C’est la patte du New York Times et du Washington Post, à laquelle ont été formées des générations de journalistes américains. Ces grands journaux, en outre, ont une charte éthique. Ils s’efforcent d’interdire, autant que faire se peut, les sources anonymes, pour éviter les inventions, les fabrications de toutes pièces. Et quand ces sources anonymes ne peuvent être dévoilées – on le voit avec les fuites au sein de la Maison Blanche sous l’ère Trump – autant en produire plusieurs afin de « s’autoriser» à publier une information.
Le journalisme français, lui, n’a pas cette rigueur, traditionnellement. Il peut être plus pamphlétaire, à l’instar d’Emile Zola et son « J’accuse ! » ou plus « romancé », comme Lucien Bodard durant la guerre d’Indochine. Il aime mélanger les genres, au confluent des faits et de la littérature. Cela donne un journalisme plus engagé, plus coloré, comme ce qu’a fait Bodard, mais aussi moins rigoureux, parfois.
De mon point de vue, cela découle aussi d’un grand malentendu originel : les journalistes français entretiennent un rapport difficile avec le pouvoir, sûrement lié à notre passé monarchique. Napoléon III a libéralisé la presse, mais gare à ceux qui le critiquaient ! De nos jours, on ose difficilement aller contre le courant, ainsi qu’en témoigne le grand secret concernant la maîtresse du président François Mitterrand, Anne Pingeot, et leur fille « cachée » Mazarine. Toutes les rédactions savaient, depuis longtemps. Tout comme ces informations en amont concernant le financement de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy par Mouammar Kadhafi.
Cependant, ces lignes se sont estompées avec le temps : le journalisme américain, qui reste une profession immensément talentueuse, a « manqué» le défi posé par le 11-Septembre, puis par l’invasion de l’Irak sous des motifs discutables. Le journalisme français, lui, s’est découvert de nouveaux formats, comme la revue XXI ou La Revue Dessinée. Ce journalisme retrouve, à mon avis, un peu de la couleur et des ambitions littéraires du temps de Bodard, tout en accomplissant un travail de décryptage et d’investigation indispensables.
L’élection de Donald Trump à la tête du pays a-t-elle changé la donne ?
Depuis l’arrivée de Donald Trump dans la course à l’élection présidentielle (juin 2015), la presse américaine est la cible d’attaques ouvertes et répétées de la part des hommes politiques. Pendant la dernière campagne, le New York Times allait jusqu’à dire que nous étions à la veille d’un drame avec l’émergence d’une violence –parfois physique- envers les journalistes dans des rassemblements politiques. Quelqu’un allait être tué, écrivait le Times, et il ne faudrait pas s’en étonner, vu l’ambiance délétère.
Heureusement, un tel dérapage n’a pas eu lieu et l’effet escompté fut inverse à celui d’une marginalisation de la presse : le métier s’est finalement trouvé revigoré par la menace populiste qu’incarne Donald Trump. Pendant la campagne et après, le journalisme d’investigation a ainsi été boosté, conforté dans sa mission d’information objective du public, surtout dans la presse écrite. Depuis quelques mois, l’abonnement aux journaux reprend de belles couleurs. C’est même devenu un acte civique que de soutenir la presse. Les Américains votent peu, certes, pour toutes sortes de raisons historiques, mais ils défendent corps et âme leur démocratie. Et le journalisme indépendant, ce fameux « quatrième pouvoir », fait partie de ces valeurs.
Paradoxalement, en parallèle de ce rebond salutaire, les enquêtes d’opinion récentes montrent que la confiance envers les médias n’a jamais été aussi basse. Il y a aujourd’hui deux Amériques : quand certains soutiennent la presse, d’autres montrent du doigt le « mainstream media », mettent en doute l’information objective, ce qui me paraît dramatique car cela participe des dissensions dans la société américaine.
Ces dissensions s’exposent désormais franchement à la télévision. Les trois « majors » historiques – CNN, MSNBC et Fox News – proposent un traitement de l’information très distinctif, avec une approche pamphlétaire indéniable et un dangereux mélange des genres. A titre d’exemple, le présentateur de Fox, Sean Hannity a reconnu avoir le même avocat que Donald Trump, au cœur de l’affaire Stormy Daniels. Cette polarisation des médias, avec Fox News d’un côté et les deux autres chaînes de l’autre, est inédite et n’a rien de rassurant. Chaque individu choisit de ne regarder que ce qui lui convient politiquement, et d’aborder les évènements quotidiens selon sa grille de lecture favorite, servie par Fox ou CNN.
Le cœur du métier reste pourtant lié à des valeurs d’objectivité et de rigueur. Certains ont dit que les journaux n’avaient pas anticipé la victoire de Trump. C’est vrai, mais je pense qu’ils ont néanmoins fait un très bon travail de fond pendant la campagne en faisant écho aux critiques de l’électorat envers Hillary Clinton et une politique du passé. Dans quelques années, la relecture de ces articles fera sens.
Parmi ces évolutions médiatiques, lesquelles, de votre point de vue, vont arriver en Europe ?
Les formats changent en France. La presse écrite a entamé sa mue digitale, ce qui libère les « longueurs » des articles – moins de contraintes en termes de format, désormais – et pose le problème de l’immédiateté. Savoir tout, tout de suite, mais combien de temps pour bon décryptage ? Une heure ? Une demi-journée ? Après un évènement international, quel délai « tolérer » avant de voir son éditorialiste préféré livrer le commentaire que tout le monde attend ?
Face à cela, et après la vogue des « fake news » venue des Etats-Unis, je pense au que l’Europe peut et doit montrer l’exemple, avec ces formats inédits que sont XXI, Eléphant, Le 1, La Revue Dessinée. On réinvente le reportage et on fait de la place aux témoignages également via des romans graphiques, de l’investigation. La presse française sait tirer son épingle du jeu, même si l’Amérique mène la danse en termes d’innovations technologiques. Ce sont ces évolutions qui forcent un jeune journaliste débutant aujourd’hui à maîtriser l’écrit, l’image, le son. Vous interviewez quelqu’un, avec une caméra, un enregistreur audio et votre calepin. La juxtaposition de tous ces types d’expression donne lieu à des éclairages complets, tout en répondant aux attentes d’un lectorat plus varié, toujours plus informé, et donc plus exigeant.
A moyen terme, quelles orientations doivent prendre les médias classiques qui veulent survivre (investigation, suivi de l’actu en temps réel, mise en avant des abonnements…) ?
Les expériences sont variées, et le modèle idéal n’existe pas. Mais les Cassandre qui annonçaient la mort de la presse écrite, en particulier, se sont trompés. Le papier proprement dit, bien sûr, semble condamné, de par l’évolution des modes de consommation : nous sommes de plus en plus des lecteurs nomades, avec notre smartphone ou notre tablette tactile, dans les transports en commun. La fidélisation du lectorat a longtemps souffert des formats gratuits mais, malgré une concurrence impitoyable, certains titres reviennent à la vie, timidement ou spectaculairement : le New York Times, le Washington Post, enregistrent des bénéfices sans précédent, depuis l’émergence du phénomène Trump. Ils sont redevenus ce « quatrième pouvoir », avec une puissance d’investigation inédite portée par des finances saines et un lectorat avide. Les gratuits existent encore, mais le lecteur cherche une profondeur, une pertinence, des « scoops » (terme suranné, remplacé par des « exclusivités »).
En France, le Figaro tient bon la barre, tout comme le groupe Le Monde grâce à ce phénomène d’édition qu’est le titre Courrier International, porté par les abonnements. C’est de bon augure pour l’avenir, même si être un journaliste de presse écrite ne sera jamais le plus sûr moyen de faire fortune !
Quels sont vos projets professionnels ?
Ecrire sans se regarder vieillir, car la retraite à 60 ou 65 ans, pour un journaliste, n’est plus qu’un lointain concept. Et puis se projeter vers cette région du globe qui est en train d’enterrer l’hégémonie occidentale : l’Asie, et la Chine, bien sûr. De l’investigation, des enquêtes…
C’est après l’audition de Mark Zuckerberg au Sénat américain que j’ai souhaité comparer les différentes analyses faites par la blogosphère et les médias US. Si beaucoup se sont amusés de la pâleur du teint de Mark, de son coaching pour sembler plus humble ou du rehausseur dont il a bénéficié, peu d’observateurs ont réellement étayé l’analyse de ce qui était en train de se jouer sous nos yeux : la place des réseaux sociaux, leur définition, leur responsabilité politique et éthique.
A cette occasion, j’ai parcouru la blogosphère afin de sélectionner les meilleurs sites en ligne qui suivent au plus près l’actualité des médias et les évolutions dans le secteur de la communication aux Etats-Unis.
Voici ma short-list :
Mais aussi…
Cet article a été publié dans le numero 3 de la revue Les Confettis.
Laetitia Gazel-Anthoine réussit le tour de force dont rêvent certaines: fonder et diriger une start-up en pleine expansion, être mère de quatre enfants et s’expatrier aux Etats-Unis. Avec son entreprise très tech, Connecthings, elle contribue à l’émergence des Smart Cities de demain en mettant en relation réseaux urbains et les téléphones mobiles individuels pour améliorer notre quotidien. Nous l’avons rencontrée à New York, où elle habite désormais.
Laetitia, revenons sur votre parcours: qu’est ce qui vous a conduit à devenir l’entrepreneur que vous êtes aujourd’hui?
Jeune, j’étais bonne élève avec une prédilection pour les mathématiques. Dans ma famille, nous sommes nombreux -six enfants- et nous comptons beaucoup d’ingénieurs. Etre une femme ou un homme n’est pas un sujet problématique dans ma famille, il n’y avait aucune différenciation. J’ai donc fait une clase préparatoire et ai intégré Supelec. J’ai également le besoin de prendre mes propres décisions avec, en prime, une forte envie de créer. Après avoir travaillé pour Nortel Matra pendant quatre ans puis en tant que consultante pour Orange pendant huit ans, j’ai lancé en 2007 Connecthings, ma start-up, avec le désir de construire autour d’une idée originale qui me tenait à coeur.
Qu’est ce qui vous a donné l’idée de créer cette entreprise?
En 2007, à l’heure de Second Life, je me suis intéresssée aux liens entre le monde du numérique et le monde physique. Bien qu’il y a un vrai engouement pour l’e-commerce, la plupart des achats continuent de se faire dans la vie réelle. L’idée de faire le pont entre ces deux mondes me paraît cruciale. En parallèle, le modèle de JC Decaux m’a paru très inspirant: il offre un service aux villes en échange d’espaces de publicité. Connecthings est le fruit d’une longue réflexion autour de ces observations: nous fournissons aux villes des informations sur les mouvements des habitants via des balises installées dans des endroits ciblés (gares, arrêts de bus…) et aux habitants des informations sur ce qui les entoure et notamment la disponibilité temps réel des transports urbain. Elles peuvent ainsi améliorer leurs réseaux de transports et accroître leur attractivité auprès des habitants et visiteurs. En contrepartie, les villes nous laissent louer ces balises pour d’autres applications mobiles. C’est un véritable succès puisque nous avons équipé, en tout, 62 villes et nous comptons près de 40 employés à New York, Paris, Barcelone, Berlin, Milan et Rio de Janeiro.
Justement, il y a un an, vous avez fait le choix de quitter Paris pour New York avec votre famille: pourquoi avoir décidé de vous expatrier et comment votre famille a-t-elle vécu cette expérience?
Avec nos quatre enfants -qui ont entre 16 et 4 ans-, mon mari et moi avons fait le choix d’une nouvelle vie, différente de celle que nous connaissions à Paris. Mon conjoint a certes laissé un poste qu’il aimait en France mais c’est pour mieux amorcer cette nouvelle étape positive outre-Atlantique. Pour mon entreprise, c’est une phase très importante pour accélérer son développement et lever des fonds. Après un an aux Etats-Unis, le quotidien se passe très bien: je travaille beaucoup mais je consacre mes week-ends à ma famille. Mes enfants vivent bien cette situation: en tant qu’entrepreneur, je suis certes moins disponible que certains parents –surtout ici, où les parents d’élèves sont très impliqués dans les activités scolaires et extra-scolaires- mais je leur transmets une énergie positive, celle de l’aventure entrepreneuriale. Enfin, je pense que cette expatriation est une occasion unique pour eux de découvrir une autre culture, une autre façon de vivre et une autre langue. Ce n’est que du positif, au fond.
A votre avis, quelles sont les qualités dont il faut disposer quand on est une ou un entrepreneur?
Les qualités essentielles sont la détermination pour avancer, la vision qui donne le cap et l’écoute pour s’adapter. Avec ces qualités et de l’ambition, on doit réussir à faire une tres belle entreprise.
Quels sont les freins pour les femmes dans cet univers très masculin qu’est le milieu entrepreneurial de la tech?
Théoriquement, il n’existe aucun frein pour les femmes dans ce secteur. Pour autant, les chiffres prouvent que très peu de femmes évoluent dans la tech . Il faut leur donner envie d’aller vers des carrières tech qui offrent un énorme potentiel de créativité et ouvrent à de très nombreux métiers, de la recherche à la programmation et du Marketing et aux Ventes. Il faut aussi montrer des entrepreneurs femmes qui ont réussi de belles entreprises. Concernant l’équilibre vie personnelle et professionnelle, qui est souvent un sujet au moment de se lancer, la France a des atouts enormes notamment par rapport aux Etats Unis qui minimisent les risques : l’école et la santé sont gratuits, la vie y est moins chère. De mon point de vue, rien ne doit retenir une femme d’entreprendre et encore moins en France!
Quelles sont les femmes qui vous inspirent?
Sophie de Condorcet pour son esprit
Elisabeth Badinter pour ses prises de position
La veuve Cliquot, une grande entrepreneur
Si vous faisiez un bilan aujourd’hui, quelle serait votre plus grande fierté?
Tout d’abord, je suis très fière d’avoir monté une super équipe pour bâtir ensemble Connecthings ! Ma deuxième source de satisfaction est d’aider d’autres femmes entrepreneurs en France et aux US au travers de la Women Initiative Foundation, une fondation fondée par d’anciens élèves de Stanford et présidée par Martine Liautaud. Nous y développons actuellement un programme de mentoring transatlantique US – Europe pour accélérer le développement international d’entreprises fondées par des femmes. Ce programme est totalement gratuit. Les entrepreneurs américaines se développant sur le marché européen recoivent l’appui d’un mentor francais, à Paris et les entreprises francaises se développant aux Etats Unis recoivent l’appui d’un mentor américain à NY ou SF. C’est un très grand bonheur de participer et d’aider d’autres entrepreneurs.
Propos recueillis par Anna Casal
Chaque minute, 400 heures de vidéos apparaissent sur la plateforme Youtube, soit 210 milliards d’heures par an. Un taux de croissance exponentiel, porté par une demande toujours plus vertigineuse de la part des internautes. Si l’attrait pour l’image en mouvement est bien palpable, quelles sont les implications de cette tendance de fond pour le secteur des médias ?
En décembre dernier, le Huffpost américain, mu par l’essor de la vidéo en ligne, a remplacé les images statiques par des GIF, en guise de produit d’appel pour ses vidéos. Ce changement en apparence anodin a pourtant incité les lecteurs à cliquer plus souvent sur les articles ainsi illustrés : en à peine trois mois, le nombre de vidéos visionnées par des utilisateurs uniques a augmenté de 27%. Mark Zuckerberg, lors de la conférence annuelle des développeurs, en avril dernier, a à son tour assumé la primauté à la vidéo : « [La vidéo] est devenue plus centrale que le texte : l’écran de visionnage doit donc prendre plus de place que l’espace dédié à l’écrit, et ce sur toutes nos applications ». Le corollaire est le lancement de Watch, espace dédié à des programmes vidéo exclusifs. Dans le sillage de cette idée, une nouvelle expression consacrée est apparue dans le secteur des médias, « Pivot to video ». Ce terme marketing, utilisé plus de 14 000 fois cet été sur les réseaux, désigne le passage du texte à l’image en mouvement, de l’écrit à la caméra. Une mode qui est même devenue un motif de plaisanterie, comme l’illustre le tweet de cette journaliste de Skynews, Molly Goodfellow. (« Comment avouer à mon meilleur ami que je souhaite que notre relation pivote vers la vidéo ? »)
Aux Etats-Unis, le premier journal à avoir pris ce virage fut, l’an dernier, Mashable, qui décida de se séparer d’une partie de ses rédacteurs pour engager des spécialistes de la vidéo. Un mouvement qui fit, en quelques mois, un grand nombre d’émules pour atteindre un pic cet été : MTV News puis Sport Illustrated, Fox Sports, Vocative, Mic et, enfin, Vice, comptent désormais remplacer une partie de leurs « writers ». Objectif affiché : devenir les « leaders du vidéo-journalisme »…. en mettant au placard les journalistes de presse écrite. Au sein des rédactions, certaines voix (voir cet article, par exemple) se sont élevées contre ces pratiques, voyant derrière ce repositionnement une bonne raison de réduire des équipes de rédacteurs jugées trop nombreuses. Ce graphique, qui recense les licenciements liés directement aux nouvelles stratégies orientées vidéo, parle de lui-même.
SOURCE : Digiday
Mais la stratégie du « Pivot video » constitue-t-elle réellement la planche de salut des médias à la recherche de business models pérennes et de plus en plus dépendants des réseaux sociaux ?
On serait tenté de répondre par l’affirmative car, de fait, certaines histoires font rêver. C’est le cas de « Brut », lancé en France en novembre 2016 par le producteur Renaud Le Van Kim et le co-créateur de Studio Bagel, Guillaume Lacroix. En moins d’un an, ce tout nouveau média dépasse les 100 millions de vues avec ses formats vidéos courtes, diffusées sur Facebook et autres YouTube, et s’exporte aux Etats-Unis en embauchant sur place une équipe de 15 personnes. Dans la même mouvance, Keli Network s’est donné comme mission de créer une nouvelle génération de médias. L’idée centrale est de créer des médias thématiques 100% vidéo, diffusé exclusivement sur les réseaux sociaux. Pour l’instant quatre marques ont été lancés sur des sujets dont les internautes sont friands : jeux vidéo (Gamology), football (OhMyGoal), beauté (Beauty Studio) et innovation (Genius Club). Selon Michael Philippe, co-fondateur de cette société, cette démarche est au coeur d’une triple révolution : l’explosion du mobile comme support, la consommation sur les réseaux sociaux et l’explosion de la vidéo. Keli Network a d’ores et déjà levé 2 millions d’euros auprès de fonds comme Partech, OneRagTime, de business angels et de Broadway Vidéo Ventures (producteur connu de Jimmy Fallon). « Nous avons saisi l’opportunité dès qu’elle s’est présentée : dès qu’il y a une disruption, les premiers à prendre la place deviennent souvent des leaders. A l’époque du SEO, Aufeminin.com ou Doctissimo.fr avaient pris la balle au vol et n’ont, depuis, jamais perdu leur statut. C’est le même phénomène que l’on observe aujourd’hui avec la vidéo sur les plateformes sociales ». Keli Network a ainsi enregistre 1,9 milliard de vues sur le seul mois d’aout 2017.
A première vue, le marché de la vidéo est bien une vraie poule aux oeufs d’or pour médias et publicitaires : selon eMarketer, l’investissement dans la publicité vidéo a atteint 10 milliards de dollars l’an dernier aux Etats-Unis. Et les projections du même institut sont très favorables : ce marché devrait dépasser les 18 milliards en 2020, au point que les agences de publicité américaines consacrent aujourd’hui plus de la moitié de leur budget à ce type de format.
Source: eMarketer
A cette croissance s’ajoute une dépendance toujours plus prégnante des médias aux plateformes sociales. Ces dernières, qui ne se cachent plus d’encourager les contenus vidéos en les promouvant sur le fil des internautes, ont une force de frappe telle qu’il s’agit, pour les médias, d’y être plus présents que jamais.
Mais attention : si tous ces indicateurs semblent converger, la réalité est pourtant beaucoup plus nuancée.
D’après ComScore, les médias qui ont « pivoté » à l’été 2017 ont vu leur audience chuter en moyenne de 60% au mois d’août par rapport à août 2016. Ainsi, Mic est-il passé de 17,5 millions de visiteurs à 6,6 millions (août 2016-août 2017) et l’interview exclusive d’Hillary Clinton revenant sur la dernière campagne présidentielle n’a enregistré que 26 000 vues sur Facebook. Comment expliquer un tel naufrage ?
Contrairement aux idées reçues, les jeunes générations sont plus friandes de textes que d’images animées quand il s’agit d’informations, comme le prouve cette étude récente du Pew Research Center. Les 30-49 ans privilégient la lecture d’articles (40%) au visionnage (39%) tandis que les 18-29 sont lecteurs à 42% (contre 38%). Contrairement à l’hypothèse faite par certains médias, l’augmentation du nombre de vidéos publiées sur internet ne relève pas d’une demande nouvelle visant le secteur des médias, en tous cas pas pour le domaine de l’information pure et dure. L’étude de Reuters Institute, le Digital News Report, corrobore cette idée : « malgré l’exposition croissante aux vidéos d’information, les préférences des internautes ont peu changé ces dernières années. 71% d’entre eux lisent des articles et 14% aiment de façon indifférente le texte ou la vidéo ». Joshua Benson, directeur du Nieman Lab, résume bien la situation : « L’idée juste selon laquelle les gens aiment les vidéos ne signifie pas qu’ils aiment les vidéos d’information ».
Quels contenus cherchent donc les internautes quand ils regardent des vidéos ? Une étude récente menée par Buzz Summo sur un échantillon de 100 millions de vidéos postées sur Facebook a démontré que les thèmes qui génèrent le plus d’engagement sur les réseaux sont : la cuisine, la mode et les animaux…. la politique arrivant, par exemple, dans la partie basse du classement.
A cela s’ajoute, pour les médias faisant le choix de la vidéo, un problème d’équilibre financier profond. D’une part, la monétisation de la vidéo sur les plateformes sociales reste à ce stade très limitée : il ne faut pas oublier que Google et Facebook s’octroient aujourd’hui 99% des revenus publicitaires digitaux (rapport IAB). Il devient difficile pour les médias qui publient sur les réseaux sociaux de savoir ce que rapporte réellement leurs contenus à ces derniers en termes publicitaires… sachant que les statistiques des plateformes sociales restent très opaques pour tout le monde. Facebook dit, par exemple, toucher plus de jeunes Américains qu’il n’en existe réellement ! D’autre part, pivoter vers la vidéo n’est pas sans engendrer des coûts supplémentaires cachés pour les médias : quand on publie un contenu, il faut s’acquitter de sommes conséquentes pour qu’il soit diffusé largement. Certains médias, comme le Chicago Tribune, voient que les articles et vidéos sont de moins en moins regardés sur Facebook alors même que le nombre de followers du journal augmente. La faute à un algorithme particulier et à l’avalanche d’informations qui déferle sur les réseaux. Enfin, les médias doivent aussi investir dans du matériel adéquat et embaucher des spécialistes de la vidéo pour obtenir des produits de qualité… ce qui n’est pas moins onéreux qu’une solide rédaction de journalistes rédacteurs.
Pivoter vers la vidéo semble donc être un doux mirage auquel ont cru beaucoup de médias. Mais n’y a-t-il que des perdants dans cette bataille ? Loin de là : les purs players vidéos tirent aujourd’hui leur épingle du jeu. Démarrant à petite échelle, ils constituent progressivement leurs équipes avec des coûts fixes qui n’augmentent ensuite qu’en fonction de la demande et proposent des contenus qualitatifs pour toucher un public cible bien défini. C’est le cas de Brut, cité en début d’article, mais aussi de Konbini, qui ont bien su trouver leurs créneaux. Ce pur player de la vidéo dit « utiliser le levier de la pop-culture, c’est-à-dire traiter des sujets du quotidien pour susciter la discussion », selon les mots d’un de ses responsables. En publiant deux à trois vidéos par jour, Konbini s’est forgé une connaissance approfondie des 18-34 ans et de leurs attentes en termes d’information. Le groupe ne cherche pas la quantité de vues mais un réel engagement chez ses lecteurs.
Dans ce cadre, ces nouveaux médias s’appuient en général sur un business model simple : ils vendent du brand content sous forme de films aux marques et aux agences de communication pour financer, en parallèle, les vidéos plus « sérieuses » et indépendantes. Comme on le sait, avec Tasty, Buzzfeed a ouvert la voie à un nouveau type de médias qui créé lui-même son pôle publicitaire pour contourner la fuite des revenus publicitaires sur les réseaux sociaux. Aux confins de l’info et du loisir, l’infotainment a donc des ailes qui poussent…. ce qui peut, évidemment, susciter la critique : « Buzzfeed et Vice ont fait du mal à la profession de journaliste en faisant planer le doute sur l’impartialité de l’info et des messages véhiculés dans les vidéos. Il est pourtant aisé d’afficher clairement si le film est sponsorisé ou non. C’est notre choix depuis nos débuts et c’est ce qui fait aussi notre notoriété », explique un professionnel des medias.
« Il est aujourd’hui impossible de créer une boîte de médias qui se passerait des réseaux sociaux car toutes les audiences y sont présentes. Néanmoins, il ne faut pas oublier que ces plateformes ont besoin des éditeurs car elles vivent en partie de nos contenus », explique Michael Philippe. C’est bien sur ce constat que doivent s’appuyer les médias sans pour autant renier leur ADN au risque de s’effondrer. La vidéo peut sauver une partie des médias, ceux qui sont jeunes, agiles et dont le business model reste flexible. Pour les autres, le « pivot to video » n’est pas la meilleure idée qui soit.
Edward Roussel est Chief Innovation Officer au sein du groupe de médias Dow Jones, un poste à forts enjeux dans une industrie toujours en pleine mutation face aux nouveaux usages. Entretien.
Anna : Qu’est ce qu’un Directeur de l’innovation dans le secteur des médias ?
Edward : Le rôle du Chief Innovation Officer au sein des médias varie d’un groupe à l’autre sa fonction est toujours de regarder vers le futur. Les médias se préoccupent en grande partie de faire vivre leur marque et leur héritage, que ce soit un héritage papier mais aussi digital -cela fait maintenant 25 ans que le web existe-. Le Chief Innovation Officer, lui, est constamment en train d’adapter le média aux innovations dans le web mais, surtout aujourd’hui, sur le mobile qui bénéficie de l’explosion des applis, sur systèmes Android et IOS. Un nouveau risque est, en effet, apparu pour notre secteur : celui de ne plus faire partie des nouvelles technologies ou d’être dépassé par ces dernières. Dans les médias, l’innovation est un thème transversal crucial : il nous appartient de structurer des solutions pour le futur, de déterminer quels sont les risques majeurs de disruption mais aussi les opportunités technologiques. Par exemple, chez Dow Jones, au moment du développement de la Réalité Virtuelle, nous avons examiné en détail cette innovation et essayé de déterminer si elle était un changement majeur de paradigme pour l’information. Enfin, nous avons travaillé pour l’intégrer en adéquation avec notre marque. Etre un bon CIO, ce n’est pas seulement faire de la veille : il faut également proposer et mettre en oeuvre des solutions très concrètes.
Quelles sont les dernières évolutions connues par les médias ces dernières années ?
A mon avis, il y a eu deux grands changements de paradigme. Tout d’abord, le passage du Print au Digital. Ce dernier représente aujourd’hui plus de 50 % des revenus du groupe Dow Jones. En parallèle, un nouveau business model lié au mobile apparaît, fondé sur les abonnements digitaux et, de moins en moins, sur la publicité. Ces deux évolutions, qui marchent main dans la main nous demandent d’avoir une approche très pragmatique. Pour donner un exemple concret : le Wall Street Journal, qui fait partie de notre groupe, souhaite toucher et fidéliser les jeunes lecteurs, ceux qui sont actuellement au Collège (i.e. premier cycle universitaire). Aux Etats-Unis, ils sont 20 millions dont 4 millions étudiant dans le domaine de l’économie et du business. On développe ainsi des apps qui leur parlent, adaptés à leur génération et à leurs usages. Au WSJ par exemple, je me charge de trouver des accords avec des grandes entreprises technologiques. Mon rôle est de connecter le cœur de notre activité des médias, qui consiste à délivrer de l’information, aux nouvelles technologies. Cette année, l’arrivée du Samsung 8 et l’Iphone 8 vont avoir un impact et je dois nous y préparer.
Vous qui connaissez bien les médias français, quelles différences voyez-vous avec les médias américains en termes d’innovation ?
De mon point de vue, les médias français se concentrent encore trop sur la partie digitale dédiée à la consultation par ordinateur. Or, nous sommes déjà passés dans l’ère d’après : celle du mobile. Les médias français prennent un réel risque de rester derrière en termes d’innovation. Ici, aux Etats-Unis, les médias tentent de répondre à la question centrale en 2017: comment construire une expérience personnalisée et unique sur écran mobile ? On essaye de se focaliser sur le « comment ». L’avantage, c’est qu’ici, on n’a pas peur d’essayer ni de se tromper ou même d’échouer : c’est un terrain vierge qui s’offre à nous et nous devons obligatoirement prendre des risques en innovant.
Un autre frein est la peur française de ne pas avoir de business model préalable. Or, de nos jours, en matière d innovation, c’est en avançant que l’on construit un business model. L’innovation nous entraîne en territoire inconnu, on ne peut prévoir la technologie qui va émerger demain. Et innover n’est pas toujours une grande prise de risque financière : on sait que le marketing pour les nouveaux produits éditoriaux ne coûte pas cher si l’on utilise les réseaux sociaux. Il y a un seulement un investissement de départ puis on procède par test en demandant à l‘utilisateur de se prononcer. Les dirigeants des grands groupes de médias ne demandent plus d’avoir un revenu dès le lancement d’un nouveau format ou d’¡une nouvelle app mais se focalisent sur le retour des utilisateurs pour adapter le produit et offrir une expérience intéressante. Par exemple, au Wall Street journal, nous nous associons avec Google pour innover dans la réalité augmentée. C’est un chantier tout neuf, nous ne savons pas où il nous conduira précisément mais nous tentons l’expérience!
Quels seraient vos conseils aux médias français ?
La France devrait, à mon avis, miser sur la force de ses grandes marques. Des groupes comme Libération, Le Figaro ou Le Monde portent des noms qui ont une résonance forte, historique : il suffirait de les rafraîchir, de les faire vivre et vibrer. Regardez tout ce que l’on observe sur le mobile : le niveau d’innovation est extrêmement élevé. Regardez, par exemple, Instagram : ce groupe a créé quelque chose de simple et néanmoins innovant en misant sur une pratique ancienne, la photographie. Les marques françaises doivent faire levier sur tous ces nouveaux usages permis par le mobile sans oublier leur histoire. Je suis convaincu que l’on peut être fidèle à une marque tout en la faisant évoluer.
Les plateformes, comme Facebook, sont aujourd’hui montrées du doigt car elles profitent des contenus des médias pour vendre des espaces de publicité. S’agit-il d’un problème réel pour vous ?
Je ne dirais pas que ces plateformes posent un problème central : elles sont à la fois un risque et une opportunité pour les médias traditionnels. Même si Facebook et Google ont un monopole sur les revenus publicitaires digitaux, ils conduisent aussi les utilisateurs et de nouvelles audiences sur nos sites. D’ailleurs, les plateformes, en diffusant des fake news, qui sont en soi un problème majeur, représentent une opportunité: les gens reviennent sur les sites d’infos pour avoir une garantie de qualité. Lors du premier trimestre 2017, nous avons gagne 300 000 abonnés digitaux en croissance nette au WSJ. Aujourd’hui, le WSJ se focalise sur les abonnements. Notre objectif principal est d’appréhender le mobile qui est une énorme opportunité pour nous de construire une expérience unique pour le lecteur.
« Facebook est plus qu’une entreprise technologique, c’est une plateforme d’information » : cette phrase de Mark Zuckerberg, prononcée fin 2016, sonne comme un aveu et modifie radicalement la position officielle que ce dirigeant avait soutenue jusque-là. Les réseaux sociaux ont, en un court laps de temps, remplacé les médias en publiant de l’information gratuite, à même de toucher un public infiniment plus vaste que celui des médias traditionnels.. Au fil du temps, Google, Twitter, Facebook et consorts sont devenus de vrais « publishers » qui compilent et diffusent des articles, remettant par là même en cause les Business Models des médias américains classiques. Face à ce constat définitif et irréversible, les journaux US se sont vus contraints d’entrer dans « la troisième vague du journalisme » et ont été mis en demeure de concevoir rapidement de nouvelles voies de monétisation.
Clap de fin pour les Business Models des années 2000
Le dernier rapport du TowCenter for Journalism de Columbia, publié en mars 2017, évoque pour la première fois l’expression « troisième vague du journalisme », une notion qui fait référence à l’évolution rapide des pratiques médiatiques. Comme cela a souvent été observé, d’un modèle traditionnel, les médias sont progressivement passés à la digitalisation dès 1994 et l’avènement du web, plus largement diffusé à la fin des années 1990. Lors de cette phase –dite « deuxième phase du journalisme »- la préoccupation majeure des journaux était de transposer leur activité historique matérielle sur internet, sans pour autant remettre en cause leur business model traditionnel.
En effet, les médias ont longtemps fonctionné de la façon suivante : contenu et publicité (rectangles jaune et vert dans le schéma ci-dessous) étaient intégrés à un support (journal, télévision, radio…) puis distribués au public. Les médias dominaient de bout en bout cette chaîne.
Source : Straterchery
Lors de cette phase de digitalisation, les médias ont été convaincus que seul le support de consultation serait modifié et que le web serait un nouveau vecteur d’information, au même titre que la télévision ou la radio l’avaient été à une autre époque. Lors de cette phase, de nouveaux médias entièrement digitaux ont émergé, du Huffington Post à Buzzfeed, bénéficiant d’un accès accru à l’internet haut débit et à la démocratisation rapide du web.
Cependant, après ce passage au digital, les trois principales sources de revenus des médias se sont progressivement taries. « La première d’entre elles sont les petites annonces, dont la consultation est plus aisée sur le web grâce aux filtres, qui ont progressivement été soustraites aux journaux par des sites spécialisés comme Craiglist (l’équivalent de notre Bon Coin). C’est l’exemple-type de l’effet internet sur un secteur classique de l’économie : le premier domino à s’effondrer sur une longue chaîne. Ce changement de paradigme a ôté aux médias des revenus mais surtouti une part de leur audience… après, ce fut au tour des rubriques spécialisées puis des tribunes (pillées par les blogs) », explique Paul Strachman, investisseur chez ISAI et spécialiste de la tech. En parallèle, Google a capté le marché de la publicité. Enfin, la troisième source de revenus, les abonnements, a rencontré de grandes difficultés à résister au tout-gratuit. Face à cette évolution rapide, les grands médias ont cherché, à tâtons au départ, un nouveau modèle de développement, sans parvenir à revenir au niveau de revenus antérieur l’apparition du web.
Source : Straterchery
Ben Thompson, analyste et auteur du blog Straterchery, parle de « unbundling » (dégroupage, ndlr) pour décrire le phénomène : les médias ne dominent plus que la partie « Contenu » de la chaîne dont on parlait plus tôt.
Ce manque à gagner des entreprises de médias explique notamment la dégradation des conditions de travail des journalistes et les coupes claires dans les effectifs des grandes rédactions. Depuis l’avènement du web, le nombre d’employés a commencé à décliner au sein, notamment, de la presse écrite américaine.
Pour le grand public, la remise en cause du modèle intégré des médias traditionnels revêt nombre d’aspects positifs : enfin, on a accès, sans débourser un centime, à des sources d’informations multiples et de qualité… avec certaines limites. « La démocratisation d’internet a mis les internautes et les journalistes au même niveau : les premiers pouvaient, commenter, répondre, questionner, interpeler les auteurs d’articles, voire les rédactions de grands médias. Encore plus important, ce phénomène a créée une croyance parmis ces internautes que « mon ignorance vaut autant que leur savoir », avec une dégradation de la considération portée aux medias en genéral et au rôle de journaliste en particulier », explique Pierre Putois, responsable du bureau new-yorkais de Fabernovel. D’un point de vue social, le citoyen retrouvait un rôle actif au sein du système de l’information, de la démocratie, il pouvait organiser des mouvements citoyens ou faire entendre sa voix… tout en portant atteinte au rôle traditionnel des journalistes.
Selon les chercheurs de Columbia, l’ère de l’open web a atteint ses limites au moment où les consultations d’information via les smartphones et le web mobile privé ont pris la place des ordinateurs, soit à la fin des années 2000. Cette modification des usages a accéléré la montée en puissance d’une poignée de géants qui dominent aujourd’hui internet. « Lors des deux dernières années, la fusion des contenus d’information et des plateformes comme Facebook, Twitter, Snapchat et Google s’est fortement accélérée », expliquent les chercheurs du Tow Center. Dans l’histoire, aucun média n’a jamais bénéficié de l’audience de ces quelques acteurs. En 2016, eux seuls, ils concentrent 65% des recettes de publicité sur la toile, laissant les sites des médias classiques très loin derrière eux. Une tendance qui tend à s’accélérer puisque Facebook et Google s’arrogent aujourd’hui 90% de la croissance des revenus publicitaires. « L’influence de ces grandes sociétés sur les échanges d’informations est souvent gérée par des systèmes socio-techniques cachés et sous-tendue par des intérêts privés et non publics », note le rapport du Tow Center.
Des pistes pour de nouveaux Business Models
Face à cette évolution, les médias cherchent une porte de sortie. Comme le souligne Shane Smith, dirigeant et fondateur de Vice, interrogé par les chercheurs de Columbia : « En publiant sur les plateformes, vous donnez les clés de votre destin à un inconnu. Mais si vous n’êtes pas présent sur ces réseaux sociaux, dans ce cas, vous êtes morts, mais si vous y êtes distribués, alors vous ne gagnez plus d’argent (…) voilà le plus grand défi à relever pour les médias ».
Dans le monde, certains médias continuent à miser sur leur site web, mais sont confrontés à d’autres écueils : les frontières entre la publicité et le contenu éditorial s’estompent progressivement. Les publicités « native », (ces « faux » articles à sensation que l’on trouve souvent en fin de page), « polluent » les grandes pages des médias et peuvent décrédibilisr leur contenu.
Aux Etats-Unis, dont les évolutions dans le domaine des médias et de la communication précèdent parfois celles du reste du monde, la remise en question de ce modèle est particulièrement profonde. Pierre Putois, qui dirige le bureau Fabernovel à New-York et aide les entreprises internationales à réussir leur transition vers le digital, en faisant interagir les médias français avec leurs homologues américains, note : « Après la perte d’une génération entière qui a cessé d’acheter les journaux de leurs parents, les médias américains ont compris qu’il fallait travailler cette audience en deux temps : séduire d’abord et fidéliser, voire faire payer ensuite.».
Ici, les médias essaient donc de trouver un Business Model idéal en lançant des projets qui durent quelques semaines, dans une perspective expérimentale très pragmatique pour toucher ces lecteurs potentiels. Les journaux produisent donc des contenus « natifs », c’est-à-dire dédiés aux réseaux sociaux et des contenus postés sur les réseaux, mais qui renvoient à leur page web (dit « networked content »). Ce « mix produit », comme on l’appellerait en marketing, varie selon les médias. Par exemple, quand le New York Times produit 16% de « native content » dédié uniquement aux plateformes (données de la semaine du 6 février 2017), Huffington Post en produit jusqu’à 66% sur la même période. Quel intérêt de délivrer du contenu sur les réseaux uniquement ? On assiste aujourd’hui au balbutiement de la monétisation. Ainsi, Facebook propose de partager avec les médias une partie des recettes publicitaires liées aux contenus des Facebook Instant Articles. De son côté, Snapchat négocie également avec les médias – même si cette pratique est très récente et se fait encore au cas par cas.
Toutefois, la dépendance aux médias sociaux n’est pas la panacée car elle comporte un certain nombre de risques. D’une part, les engagements financiers pour produire des contenus sur-mesure dédiés aux réseaux sociaux sont conséquents et engendrent des revenus directs et indirects difficiles à mesurer. A cela s’ajoute l’impossibilité de vérifier les données de trafic fournies par la plateforme et les revenus qui en découlent. Certains médias, comme Buzzfeed ou NowThis News, qui n’existent que grâce aux partenariats avec Facebook et consorts sont vulnérables, car ils dépendent entièrement de la stratégie des grands réseaux sociaux. Passer au digital, oui, mais pour les grands médias, on préfère conserver et préserver une marque forte, du New York Times au Washington Post, en cas de nouveau changement de paradigme.
« Pour l’instant, personne n’a trouvé la formule magique, conclut Pierre Putois. Certains, pourtant, se prennent à imaginer un modèle complètement nouveau, où les médias pourraient créer leur plateforme commune, à l’image de Spotify pour la musique : un portail payant qui donnerait accès à l’information et proposerait des articles complémentaires –provenant de médias divers- à l’internaute, avec une approche thématique transverse ».
Une autre option, que certains grands médias américains étudient déjà, serait de développer une offre liée au fact-checking de l’information disponible. Alors que le consommateur de médias tend vers un scepticisme toujours plus important à l’égard des médias classiques, parfois entretenu par un discours politique très critique à leur égard, proposer une « garantie de vérité » pourrait également s’avérer efficace et constituer une nouvelle source de revenus. En effet, derrière le renouvellement profond et contraint des business models médiatiques outre-Atlantique, se jouent des enjeux politiques fondamentaux, notamment autour de la place de l’information dans nos démocraties.
NDLR: Cet article est aussi paru sur le site de Kablé Communication: http://www.kable-communication.com/fr/2017/04/19/medias-reseaux-sociaux-le-nouveau-businessmodel/
Résidente aux Etats-Unis, il me paraissait impossible de ne pas aborder le sujet de la presse sous Trump. Ce thème est tellement vaste et nouveau qu’il est extrêmement compliqué de comprendre quelles sont les forces en jeu ici et leurs interactions. Réseaux sociaux, presse traditionnelle, relations publiques et liberté d’expression… l’intrication de tous ces sujets donne lieu à une situation ubuesque qui suscite autour du monde tantôt l’indignation, tantôt le rire ou l’effarement. Comment les journalistes peuvent-ils aujourd’hui composer avec un président qui n’a que faire de la vérité ou de la transparence ? Doivent-ils revoir leurs missions ? Gardent-ils espoir dans le débat démocratique ?
Mi-février, la grande campagne du New York Times pour la vérité, dont un spot est passé lors de la remise des Oscars, a fait la Une des réseaux sociaux outre-Atlantique. Qui aurait imaginé un jour ce grand quotidien devoir se battre de façon aussi frontale en faveur de la vérité mais en même temps contre le pouvoir politique en place ?
Depuis le début de la campagne pour la présidentielle, les rapports entre les candidats et les médias ont connu une véritable évolution, devenue une révolution en un an à peine. Aujourd’hui, un mois après l’investiture, les médias n’ont plus d’état d’âme à parler de « mensonges » concernant les déclarations fantaisistes de Donald Trump. Le même New York Times n’a pas hésité à utiliser ce terme dans un de ses grands titres, une première historique.
Pour de nombreux observateurs, Trump, en érigeant les médias en traîtres, a voulu créer une force d’opposition située hors du scope politique. « Pour lui, la presse poursuit une idéologie contre laquelle il faut s’insurger. Ce point de vue est assez inquiétant pour nous, journalistes, mais également pour la démocratie », explique Julian Sancton, journaliste à Departures Magazine et observateur de la vie politique américaine. L’Histoire nous apprend en effet que le pouvoir totalitaire commence toujours par manipuler la réalité des faits au profit des dirigeants. Dernièrement, le sénateur Républicain Mc Cain, qui est en théorie un allié du nouveau président, a d’ailleurs comparé la stratégie médiatique du Président Trump aux dictatures qui font taire la presse dès la prise de pouvoir. L’ancien président George W Bush a également souhaité s’exprimer en ce sens, faisant un retour remarqué sur la scène médiatique. Un sujet qui interroge, au point que le livre 1984 de George Orwell se trouve aujourd’hui au sommet des ventes aux Etats-Unis.
Médias et analystes parlent désormais de l’ère de la « post-vérité » dans laquelle tous les points de vue se valent, même s’ils ne reposent plus sur les faits avérés. Comment les médias peuvent-ils se positionner au sein de ce nouvel environnement ? « Les médias américains se gardent aujourd’hui d’afficher des positions idéologiques. Bien au contraire, ils reviennent aux fondamentaux du journalisme : rapporter les faits tels qu’ils se sont déroulés », souligne Julian Sancton. « Les propos de Trump sont tellement choquants et outranciers qu’afficher la vérité suffit amplement à le contredire, explique un autre journaliste correspondant à New-York sous couvert d’anonymat. Mais de son point de vue, ceux qui doutaient déjà des médias –et ils sont hélas nombreux- ne changeront pas d’opinion sur le journalisme ». Dans ce cadre, le New York Times et le Washington Post redoublent aujourd’hui d’efforts pour faire du fact-checking, faisant fi des supporters de Trump… et gagnant au passage de nombreux lecteurs et abonnés. Néanmoins, les débats en interne, au sein même des rédactions, sont intenses : Gerry Baker, du Wall Street Journal, a ainsi demandé à ses équipes d’être neutres, voire de ne pas qualifier de mensonges certains faits erronés énoncés par Trump… avant de se faire tancer par les journalistes. Du côté du New York Times, un vrai examen de conscience collectif est en cours depuis que Liz Spayd la médiatrice du grand quotidien, a demandé aux journalistes de citer plus régulièrement le nom des sources pour asseoir les propos rapportrés et convaincre les lecteurs de la fiabilité de l’information.
A ce qu’il considère comme des attaques personnelles (qui ne sont en fait que l’exposition de faits avérés contredisant ses déclarations), le président Trump a d’ores et déjà répliqué en donnant la parole, en priorité, à des journaux de seconde zone lors de ses conférences de presse à la Maison Blanche ou même en refusant d’inviter certains médias (CNN, en l’occurence) à ses briefings. On a assisté à des scènes cocasses où le journaliste montre patte blanche en complimentant le président avant de lui adresser une question, En un mois et demi, une véritable guerre s’est engagée sur fond d’insultes dont l’expression « Fake news » est le parangon et LE leitmotiv du président sur Twitter. Cette escalade est-elle durable ? « On ne peut rien prédire mais les choses ne vont pas aller en s’arrangeant, de mon point de vue, explique un journaliste américain en off. Quand on entend Steve Bannon, premier conseiller de Trump, antisémite notoire, architecte de l’Alt Right et ancien patron du journal d’extrême droite Breitbart News, annoncer que « les médias doivent se taire» ou que « l’obscurité est bonne », on est en droit de s’attendre au pire ». D’ailleurs, lorsque l’on examine de près le discours du nouveau président, il emprunte ouvertement le lexique de l’extrême droite. La seule expression « America First » est une reprise du discours de Charles Lindberg, leader d’un mouvement d’extrême droite des années 30. « Néanmoins, plusieurs éléments jouent en la défaveur de Trump et sont autant d’angles d’attaques potentiels pour la presse, tempère Julian Sancton. Par exemple, il ne vérifie pas la légalité de ses ordres, ne consulte pas les spécialistes : ce désir de la jouer solo peut entraîner sa chute ». De plus, la presse peut l’attaquer sur son absence de transparence : il n’a toujours pas publié sa déclaration d’impôts et la liste de ses investissements à l’étranger, une première depuis Nixon ! Enfin, Trump a, depuis longtemps, un rapport ambivalent aux médias: il lit la presse et regarde les chaînes d’information en continu tous les jours. Il est obsédé par son image publique, au point de recouvrir les murs de son bureau à la Trump Tower d’articles le concernant. Cette obsession peut constituer un véritable levier d’action pour la presse.
A ce jour, les journalistes américains n’ont pas organisé de mouvement commun afin de contrer cette politique qui met à mal la liberté d’informer le public. C’est encore trop tôt… Cependant, certains réseaux journalistiques, comme Pro Publica, couvrent de façon indépendante cette présidence et collaborent à de nombreux reportages. Les médias vont avoir un rôle crucial à jouer dans les prochains mois en tant que contre-pouvoir… mais nul ne peut se vanter de connaître l’issue de cette confrontation !
L’élection américaine ainsi que le Brexit ont contribué à l’affaiblissement de la confiance des lecteurs envers les médias traditionnels et les sondages qu’ils diffusent. Face à ce désengagement progressif des audiences, l’année 2017 a vu s’accélérer l’émergence des médias et des prescripteurs d’opinion sur les réseaux sociaux et, plus largement, sur le web. Pour s’orienter dans cette profusion de sources d’informations, nous avons procédé à une sélection soigneuse des médias à suivre en 2017 pour les fonds, les start-uppers et leurs communicants… et pour tous ceux qui veulent voir l’actualité sous un autre angle.
Podcasts
Newsletters
Et encore…