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Rencontre avec… Maurin Picard, journaliste correspondant aux Etats-Unis pour Le Figaro

Rencontre avec… Maurin Picard, journaliste correspondant aux Etats-Unis pour Le Figaro.

Journaliste depuis 19 ans, Maurin Picard s’est installé en 2011 à New-York pour y couvrir l’actualité politique et économique du pays. Il est, aujourd’hui, correspondant du Figaro mais également du Soir (Belgique) et du quotidien régional Sud-Ouest. Passionné d’Histoire, il nous livre sa vision du journalisme. Retour sur un parcours aux quatre coins du monde, et réflexion sur le journalisme aux Etats-Unis.

Qu’est-ce qui vous a conduit au journalisme et quel est votre rapport à l’information ?

Jeune, je rêvais de diplomatie et de « terrain ». Envoyé par le ministère des Affaires étrangères et l’OSCE au Kosovo, en 1998, je me suis retrouvé, non à organiser la tenue d’élections libres comme cela était prévu, mais à recenser les exactions d’une sale guerre entre le pouvoir serbe et la guérilla kosovare. « Casque bleu » civil impuissant, j’ai vu, pour la première fois, le pouvoir des reporters qui se trouvaient là, à enquêter, écrire et diffuser le récit de ce qui se tramait dans ce coin des Balkans. Sans ornières, et sans la censure.

Ce fut une révélation, tardive. J’ai renoncé à mes rêves de poursuivre une carrière diplomatique pour laquelle de toute façon je n’étais pas fait, et me suis lancé à corps perdu dans le journalisme, pour apprendre le métier sur le tas, sans passer par une école spécialisée comme 80% de la profession, d’ailleurs !

De cette vision romantique initiale, vieille de vingt ans, je conserve une conviction forte : écrire les articles que je voudrais lire, être en mesure de « raconter une histoire », lorsque des grands formats sont possibles, et « aimanter » le lecteur. C’est l’héritage d’Albert Londres. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire !

En 1999, je suis donc rentré en France, j’ai décroché des stages notamment à Libération et au Figaro. En septembre 2001, je devais démarrer un nouveau stage, mais l’histoire en a voulu autrement. Alors que tous les correspondants avaient les yeux braqués sur l’Afghanistan et la Somalie, j’ai sauté sur l’occasion du 11-Septembre pour proposer des reportages dans des lieux ou les journalistes n’étaient pas présents : en Iran et en Irak, notamment.

En 2003, après l’invasion de l’Irak, je m’installe à Vienne (Autriche) comme correspondant en Europe Centrale. De là, j’ai pu couvrir l’élargissement à l’est de l’Union européenne (2004) puis l’extension de l’espace Schengen (2007), pour la presse écrite et la télévision (France 24 prenait tout juste l’antenne). Ce fut une période très exaltante pour le journalisme, un moment historique.

En 2011, par choix familial, je me retrouve à NYC, la ville au monde qui bénéficie probablement de la plus forte concentration de journalistes francophones. J’y suis correspondant essentiellement pour deux quotidiens de presse écrite, Le Figaro et Le Soir.

Est-ce que le métier de journaliste est le même à New York qu’en Europe ?

Les Américains sont des gens plus ouverts, connectés et portés sur les réseaux sociaux. Il est plus facile, en règle générale, de décrocher une interview avec des personnaliés du monde politico-économique. On peut rencontrer un acteur, un élu, un universitaire renommé avec une grande facilité via les réseaux sociaux. Le Figaro est également une très bonne carte de visite : c’est un des titres français les plus connus au monde.

On pourrait croire que la communication, outre-Atlantique, est très calculée, très verrouillée…

Ce n’est pas mon expérience. On ne me demande presque jamais de relire mes papiers ou interviews avant publication. Pour un journaliste, c’est un réel plaisir de travailler ici. Les Américains aiment s’exprimer, n’ont pas de frilosité à prendre la parole en public et sont faciles d’accès. Il y a quelques mois, j’ai ainsi croisé le maire de Memphis dans la rue à l’occasion des 50 ans de la mort de Martin Luther King. Elu démocrate de premier plan dans le « sud profond », il n’a pas hésité une seconde à répondre au débotté à mes questions. Certes, la peur de la citation erronée est parfois présente, mais le respect instinctif de la presse reste profondément ancré dans la société. Les journalistes sont globalement très respectés. Du moins jusqu’à une certaine élection en 2016 …

A votre avis, quelles sont les grandes différences entre la pratique du journalisme américain et français, en termes de méthodes de travail et d’écriture ?

Le journalisme anglo-saxon obéit à des codes rigoureux. Pas de fioritures dans « l’accroche» : qui, quoi, où, quand, comment. En parcourant un article, le lecteur doit savoir, dès le premier paragraphe, de quoi il en retourne. Les faits, rien que les faits ! C’est la patte du New York Times et du Washington Post, à laquelle ont été formées des générations de journalistes américains. Ces grands journaux, en outre, ont une charte éthique. Ils s’efforcent d’interdire, autant que faire se peut, les sources anonymes, pour éviter les inventions, les fabrications de toutes pièces. Et quand ces sources anonymes ne peuvent être dévoilées – on le voit avec les fuites au sein de la Maison Blanche sous l’ère Trump – autant en produire plusieurs afin de « s’autoriser» à publier une information.

Le journalisme français, lui, n’a pas cette rigueur, traditionnellement. Il peut être plus pamphlétaire, à l’instar d’Emile Zola et son « J’accuse ! » ou plus « romancé », comme Lucien Bodard durant la guerre d’Indochine. Il aime mélanger les genres, au confluent des faits et de la littérature. Cela donne un journalisme plus engagé, plus coloré, comme ce qu’a fait Bodard, mais aussi moins rigoureux, parfois.

De mon point de vue, cela découle aussi d’un grand malentendu originel : les journalistes français entretiennent un rapport difficile avec le pouvoir, sûrement lié à notre passé monarchique. Napoléon III a libéralisé la presse, mais gare à ceux qui le critiquaient ! De nos jours, on ose difficilement aller contre le courant, ainsi qu’en témoigne le grand secret concernant la maîtresse du président François Mitterrand, Anne Pingeot, et leur fille « cachée » Mazarine. Toutes les rédactions savaient, depuis longtemps. Tout comme ces informations en amont concernant le financement de la campagne présidentielle 2007 de Nicolas Sarkozy par Mouammar Kadhafi.

Cependant, ces lignes se sont estompées avec le temps : le journalisme américain, qui reste une profession immensément talentueuse, a « manqué» le défi posé par le 11-Septembre, puis par l’invasion de l’Irak sous des motifs discutables. Le journalisme français, lui, s’est découvert de nouveaux formats, comme la revue XXI ou La Revue Dessinée. Ce journalisme retrouve, à mon avis, un peu de la couleur et des ambitions littéraires du temps de Bodard, tout en accomplissant un travail de décryptage et d’investigation indispensables.

L’élection de Donald Trump à la tête du pays a-t-elle changé la donne ?

Depuis l’arrivée de Donald Trump dans la course à l’élection présidentielle (juin 2015), la presse américaine est la cible d’attaques ouvertes et répétées de la part des hommes politiques. Pendant la dernière campagne, le New York Times allait jusqu’à dire que nous étions à la veille d’un drame avec l’émergence d’une violence –parfois physique- envers les journalistes dans des rassemblements politiques. Quelqu’un allait être tué, écrivait le Times, et il ne faudrait pas s’en étonner, vu l’ambiance délétère.

Heureusement, un tel dérapage n’a pas eu lieu et l’effet escompté fut inverse à celui d’une marginalisation de la presse : le métier s’est finalement trouvé revigoré par la menace populiste qu’incarne Donald Trump. Pendant la campagne et après, le journalisme d’investigation a ainsi été boosté, conforté dans sa mission d’information objective du public, surtout dans la presse écrite. Depuis quelques mois, l’abonnement aux journaux reprend de belles couleurs. C’est même devenu un acte civique que de soutenir la presse. Les Américains votent peu, certes, pour toutes sortes de raisons historiques, mais ils défendent corps et âme leur démocratie. Et le journalisme indépendant, ce fameux « quatrième pouvoir », fait partie de ces valeurs.

Paradoxalement, en parallèle de ce rebond salutaire, les enquêtes d’opinion récentes montrent que la confiance envers les médias n’a jamais été aussi basse. Il y a aujourd’hui deux Amériques : quand certains soutiennent la presse, d’autres montrent du doigt le « mainstream media », mettent en doute l’information objective, ce qui me paraît dramatique car cela participe des dissensions dans la société américaine.

Ces dissensions s’exposent désormais franchement à la télévision. Les trois « majors » historiques – CNN, MSNBC et Fox News – proposent un traitement de l’information très distinctif, avec une approche pamphlétaire indéniable et un dangereux mélange des genres. A titre d’exemple, le présentateur de Fox, Sean Hannity a reconnu avoir le même avocat que Donald Trump, au cœur de l’affaire Stormy Daniels. Cette polarisation des médias, avec Fox News d’un côté et les deux autres chaînes de l’autre, est inédite et n’a rien de rassurant. Chaque individu choisit de ne regarder que ce qui lui convient politiquement, et d’aborder les évènements quotidiens selon sa grille de lecture favorite, servie par Fox ou CNN.

Le cœur du métier reste pourtant lié à des valeurs d’objectivité et de rigueur. Certains ont dit que les journaux n’avaient pas anticipé la victoire de Trump. C’est vrai, mais je pense qu’ils ont néanmoins fait un très bon travail de fond pendant la campagne en faisant écho aux critiques de l’électorat envers Hillary Clinton et une politique du passé. Dans quelques années, la relecture de ces articles fera sens.

Parmi ces évolutions médiatiques, lesquelles, de votre point de vue, vont arriver en Europe ?

Les formats changent en France. La presse écrite a entamé sa mue digitale, ce qui libère les « longueurs » des articles – moins de contraintes en termes de format, désormais – et pose le problème de l’immédiateté. Savoir tout, tout de suite, mais combien de temps pour bon décryptage ? Une heure ? Une demi-journée ? Après un évènement international, quel délai « tolérer » avant de voir son éditorialiste préféré livrer le commentaire que tout le monde attend ?

Face à cela, et après la vogue des « fake news » venue des Etats-Unis, je pense au que l’Europe peut et doit montrer l’exemple, avec ces formats inédits que sont XXI, Eléphant, Le 1, La Revue Dessinée. On réinvente le reportage et on fait de la place aux témoignages également via des romans graphiques, de l’investigation. La presse française sait tirer son épingle du jeu, même si  l’Amérique mène la danse en termes d’innovations technologiques. Ce sont ces évolutions qui forcent un jeune journaliste débutant aujourd’hui à maîtriser l’écrit, l’image, le son. Vous interviewez quelqu’un, avec une caméra, un enregistreur audio et votre calepin. La juxtaposition de tous ces types d’expression donne lieu à des éclairages complets, tout en répondant aux attentes d’un lectorat plus varié, toujours plus informé, et donc plus exigeant.

A moyen terme, quelles orientations doivent prendre les médias classiques qui veulent survivre (investigation, suivi de l’actu en temps réel, mise en avant des abonnements…) ?

Les expériences sont variées, et le modèle idéal n’existe pas. Mais les Cassandre qui annonçaient la mort de la presse écrite, en particulier, se sont trompés. Le papier proprement dit, bien sûr, semble condamné, de par l’évolution des modes de consommation : nous sommes de plus en plus des lecteurs nomades, avec notre smartphone ou notre tablette tactile, dans les transports en commun. La fidélisation du lectorat a longtemps souffert des formats gratuits mais, malgré une concurrence impitoyable, certains titres reviennent à la vie, timidement ou spectaculairement : le New York Times, le Washington Post, enregistrent des bénéfices sans précédent, depuis l’émergence du phénomène Trump. Ils sont redevenus ce « quatrième pouvoir », avec une puissance d’investigation inédite portée par des finances saines et un lectorat avide. Les gratuits existent encore, mais le lecteur cherche une profondeur, une pertinence, des « scoops » (terme suranné, remplacé par des « exclusivités »).

En France, le Figaro tient bon la barre, tout comme le groupe Le Monde grâce à ce phénomène d’édition qu’est le titre Courrier International, porté par les abonnements. C’est de bon augure pour l’avenir, même si être un journaliste de presse écrite ne sera jamais le plus sûr moyen de faire fortune !

Quels sont vos projets professionnels ?

Ecrire sans se regarder vieillir, car la retraite à 60 ou 65 ans, pour un journaliste, n’est plus qu’un lointain concept. Et puis se projeter vers cette région du globe qui est en train d’enterrer l’hégémonie occidentale : l’Asie, et la Chine, bien sûr. De l’investigation, des enquêtes…

Par Anna Casal

I am an accomplished public relations professional with a strong background in finance, start-ups, law and crisis communications. I also spent over four years as a financial journalist in Paris. I believe I have a sound knowledge of French PR and its media market. I recently moved to the fascinating city of New-York.

As I have a deep passion for news and communications, I started to write articles and op-eds focused on the new PR trends and innovations in the USA. On a free-lance basis, I am also helping start-ups to innovate in their communication approach both in France and in the USA.

I received a Bachelor’s Degree in Philosophy from Nanterre University (Paris X) and an MBA from ESSEC, #3 European Business School according to the Financial Times 2014 ranking.

Une réponse sur « Rencontre avec… Maurin Picard, journaliste correspondant aux Etats-Unis pour Le Figaro »

Bonjour je cherche un ou une journaliste pour interview le 25 septembre a New-York .

Cordialement
Mr Bekhor
33 669 49 09 68

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