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L’élection de Donald Trump signe-t-elle l’échec des médias aux Etats-Unis ?

 

« Against all odds » est l’expression américaine la plus adaptée pour décrire les résultats de l’élection américaine. Pendant près d’un an, l’opinion publique, au sens littéral du terme et par opposition avec les opinions privées, et les médias ont dénoncé, ridiculisé, moqué et, surtout, sous-estimé Donald Trump. Si l’on reprend les sondages publiés il y a un an, les chances de gagner de Trump avoisinaient les 5%. Comment expliquer le phénomène ? Pire, le New-York Times donnait à Hillary 84% de chances de gagner l’élection à quelques heures du scrutin. Aujourd’hui tout le monde s’interroge sur cette vague « trumpiste » que les observateurs les plus aguerris n’ont pas vu venir.

Entre effarement et déception, c’est un véritable mea culpa que la presse américaine a présenté au lendemain de l’élection présidentielle. Secoués, les journaux questionnent leur rôle et leur pouvoir : pour la sphère des médias, que souligne l’issue de cette élection ? Signe-t-elle l’affaiblissement du journalisme, sa transformation radicale ou la montée en puissance des réseaux sociaux ? Pour soutenir la première hypothèse, il faut se souvenir que tous les grands médias –locaux, nationaux, sectoriels, à deux exceptions près qui se sont engagés, tout au long de la campagne, l’ont fait de côté d’Hillary Clinton. Fait notable : pour certains, comme USA Today, cette prise de parti était une nouveauté. Au delà de cette prise de parti, des opérations médiatiques coup de poing ont ponctué la campagne pour affaiblir Donald Trump. Le New York Times n’a pas hésité à tirer à boulets rouges sur le candidat Républicain en publiant l’ensemble des insultes proférées par Trump dans une grande double page et ce, à quelques jours du scrutin. Instituant la loi du talion, le candidat Trump, lui-même, a jeté le discrédit sur la sphère médiatique pendant plus d’un an… suivre le fil de Laurence Haïm, correspondante de Canal Plus et d’i-télé, sur Twitter était instructif à cet égard. Cette fine connaisseuse de la politique US, accréditée à la Maison Blanche et qui a suivi la campagne de Trump jusqu’au bout, n’a eu de cesse d’alerter sur le sort que le candidat (et ses supporters) réservaient à la presse. Insultes, mise à l’écart volontaire, moqueries publiques, refus de faire des conférences de presse : tel a été le lot des journalistes « embedded » côté républicain.

Doucement mais sûrement, un fossé s’est creusé entre la politique et ce qui a longtemps été considéré comme le quatrième pouvoir. Dans ce bras de fer épuisant, il faut admettre que Donald Trump semble avoir gagné : les médias n’ont pas su informer. Etats des lieux aujourd’hui, 10 novembre : la presse n’est pas invitée à la première rencontre entre les vice-présidents (sortant et élu). Un événement inédit.

Il est intéressant de voir que les médias échouent là où les réseaux sociaux et la presse d’opinion trouvent leur place progressivement. Ces nouveaux modes de communication ont-ils volé aux médias traditionnels leur influence ? A noter qu’en anglais, on ne dit pas « réseaux sociaux » mais « médias sociaux », une nuance subtile qui revêt aujourd’hui une importance de taille. L’actualité prend la forme de faits bruts, vérifiés ou non (les tentatives de fact-checking ont échoué pendant la campagne), qui s’alignent sur nos Timelines. Le lecteur-internaute-électeur ne recherche plus l’information car elle lui est servie sur un plateau. En prime, c’est ce « consommateur d’information » qui s’abonne, suit et détermine quel réseau va lui fournir ces bribes et éléments qui vont alimenter une réflexion personnelle. Une personnalisation accentuée par les filtres des réseaux sociaux qui suggèrent tel ou tel contact (influenceur, média…). Ainsi, le laboratoire de recherche en journalisme, Nieman Journalism Lab, s’insurge-t-il aujourd’hui ,dans un article, contre ce mélange des genres qui consiste, pour les réseaux sociaux, à mettre au même niveau des publications sérieuses et des médias de seconde zone. Dans la course aux clics, une presse d’opinion qui ne dit pas son nom est en train de voir le jour, le groupe Breitbart News, soutien de Trump, en tête.

Alors quelles sont les leçons à tirer de cette élection en termes de communication ? Du point de vue des médias, on assiste aujourd’hui à l’effritement progressif d’un modèle qui doit retrouver son espace sur la scène de l’information. Hier, dans un article, le NYT plaidait ouvertement coupable d’avoir trop fait confiance aux sondages. « Toute l’incroyable technologie, le big data et les modèles de prédictions complexes que les newsrooms américaines ont utilisé pour couvrir la présidentielle n’ont pas pu sauver le journalisme américain : il est passé à côté de son sujet, à côté de la réalité du pays », peut-on lire dans un edito daté du 9 novembre. De nombreux journaux remettent en question les modèles et méthodes suivis par les instituts de sondages mais également leur fonctionnement économique, fondé sur l’achat des enquêtes par les médias eux-mêmes. Plus largement, en termes de communication pure et dure, cette campagne a également été très instructive. Comme le fait la Havard Business review, on peut faire une liste les recettes de communication du candidat gagnant et les appliquer à une start-up qui voudrait se faire connaître. Ce parallèle est intéressant et est peut-être une des clés : Trump est avant tout une marque et un insider de la communication qui a senti avant d’autres le vent des médias tourner…

 

 

Par Anna Casal

I am an accomplished public relations professional with a strong background in finance, start-ups, law and crisis communications. I also spent over four years as a financial journalist in Paris. I believe I have a sound knowledge of French PR and its media market. I recently moved to the fascinating city of New-York.

As I have a deep passion for news and communications, I started to write articles and op-eds focused on the new PR trends and innovations in the USA. On a free-lance basis, I am also helping start-ups to innovate in their communication approach both in France and in the USA.

I received a Bachelor’s Degree in Philosophy from Nanterre University (Paris X) and an MBA from ESSEC, #3 European Business School according to the Financial Times 2014 ranking.

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