Selon toute apparence, la journée internationale de la femme est un jour presque comme un autre aux Etats-Unis. Peu de manifestations, voire aucune, n’ont lieu le 8 mars pour inciter à l’égalité des sexes.
Un paradoxe, pourtant, quand on sait que ce pays n’est arrivé que 28ème, perdant ainsi 8 places en un an, dans le classement des pays les plus égalitaires, publié par le Forum Economique Mondial en 2015. Quant au rapport publié chaque année par le Women’s Policy Research(IWPR), il n’est guère plus glorieux : en 2015, pour un dollar gagné par un homme, une femme gagne 78 cents aux Etats-Unis et 74 cents dans les foyers qui incluent un enfant mineur.
L’institut rapporte ainsi qu’au rythme actuel de la progression des salaires, il faudra attendre 2058 pour que les femmes gagnent autant que les hommes, et ce à qualification et travail égaux. Selon ses calculs, l’égalité des salaires hommes-femmes aux Etats-Unis réduirait de moitié la pauvreté au niveau national.
Ces inégalités divergent toutefois au sein même du territoire américain, note l’institut. Ainsi, dans les états du sud, au sein des classes sociales les plus pauvres, l’écart de salaire homme-femme est plus important chez les plus de 50 ans et chez les travailleurs les moins qualifiés. Autre fait étonnant d’un point de vue d’Européen: les Américaines ne bénéficient pas de droit de congé maternité rémunéré, même si certaines grandes entreprises comme Google ou Facebook commencent à leur accorder quelques semaines de congés payés à l’occasion de la naissance d’un enfant.
Il y a pourtant quelques nuances à apporter : malgré cet état de fait, la majorité des Américains admettent aujourd’hui que les entreprises dirigées par les femmes sont plus profitables que celles dirigées par des hommes.
De plus, en termes d’éducation, le fameux « gender gap » est de plus en plus réduit aux Etats-Unis. On apprend ainsi dans le rapport de Women’s Policy Research qu’il y a plus de femmes que d’hommes diplômées du « College » (équivalent des études post-bac) au sein de la génération Y.
Or, aux Etats-Unis, plus que partout ailleurs, il existe de grandes figures féminines médiatisées qui sont devenues de véritables sources d’inspirations pour les femmes américaines : de Melinda Gates en passant par Hillary Clinton ou Mary Barra, elles encouragent les jeunes générations à avoir des ambitions équivalentes à celles des hommes. Certaines pointures du monde de l’entreprise, comme Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, ont même choisi de devenir des porte-drapeaux de la cause. Avec le lancement de son mouvement Lean In, Sheryl interroge les réflexes qui nous ont été inculqués ou transmis et jouent en faveur des hommes dans le monde professionnel. Par exemple, elle note dans son livre éponyme (« En avant toutes » pour la traduction française) que les femmes ont tendance à s’excuser beaucoup plus que les hommes dans le domaine professionnel, se mettant ainsi en position d’infériorité. Mieux, Lean In dédie une partie de son site aux hommes sous le hashtag #leanintogether, en tentant notamment de sensibiliser les pères de famille.
C’est avant tout à travers ce genre d’initiatives, toujours menées par de grandes figures féminines, que se livre un combat pour la reconnaissance des femmes outre-Atlantique. L’approche de Sheryl a ceci de typiquement américain qu’elle est créative, globale et passe par des vecteurs de communication complémentaires (site internet, fils sur les réseaux sociaux, création de communautés dans les grandes villes, diffusion de vidéos…). Cette approche très « marketée » du combat des femmes est avant tout une approche de long terme dont le point de départ est la société civile. Elle est américaine par excellence.
Pas de journée de la femme aux Etats-Unis, donc : cela signifie-t-il que l’on ne se soucie pas du « deuxième sexe » ? Bien au contraire, sur le territoire américain, le combat féministe est un combat de fond avant tout. Lorsque j’ai posé la question à des femmes américaines actives, elles m’ont unanimement répondu : dire qu’il y a un jour pour les femmes, signifie que le reste de l’année serait dédié aux hommes. L’une d’entre elles m’a rappelé, en ce sens, que le combat contre les discriminations de toutes sortes –race, sexe, orientation sexuelle, genre- était le principal combat d’une société américaine qui continue de croire en son rêve fondateur : celui d’un melting-pot où chacun est libre et accepté tel qu’il est.