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Le WIN forum New-York ou comment dépasser les clichés sur les femmes dans l’innovation

Extension new-yorkaise de la Journée de la femme digitale, le Women in Innovation Forum NY a tenu toutes ses promesses, pour sa première édition. L’évènement, conçu et organise par Catherine Barba (@cathbarba) -papesse du web que l’on ne présente plus dans le milieu de la tech- propose une approche très américaine et résolument moderne des problématiques féminines dans l’écosystème des start-ups outre-Atlantique.

Placée sous le signe de l’optimisme et tournée vers le futur, la conférence a réuni cinq panels de femmes de premier plan autour de questions savamment formulées et de thèmes audacieux qui évitent l’écueil des cliches sur les femmes : Quand est-ce qu’une femme créera le prochain Google ? Femmes, prenez place à la table de l’innovation ou encore Devez-vous dire aux investisseurs que vous êtes une femme ? Un public composé de 550 start-uppeurs, investisseurs et aspirants entrepreneurs, assistait à ce débat passionnant.

Débutant par quelques statistiques peu reluisantes sur la place accordée aux femmes dans ce domaine, on apprend néanmoins qu’une évolution -positive- est en cours. Aujourd’hui, seuls 7% des associes dans les 100 premiers fonds de VC sont des femmes, le double d’il y a trois ans. Du côté des entrepreneurs, 18% des start-ups sont fondées par des femmes contre 9% en 2009. De plus, au sein de cet écosystème, on apprend que les femmes ont une moindre propension à faire appel à l’aide des fonds. Les femmes lancent des entreprises avec, en moyenne, 50% d’argent en moins que les hommes. Seul 3,6% des entrepreneuses sont soutenues par des fonds de capital innovation contre 14% des entrepreneurs.

VC is a boys’ club

Pour celles qui envisagent une levée de fonds, les intervenantes, toutes actives dans le domaine de la tech outre-Atlantique, n’ont pas hésité à donner des conseils très pratiques. De fait, le monde des VC est principalement constitue d’hommes qui ont une inclination naturelle à aider des entrepreneurs de leur sexe, même si la tendance évolue positivement selon Techcrunch (voir graphique ci-dessus).

 

Présenter un pitch quand on est une femme est un défi et demande un effort d’adaptation à cet auditoire spécifique. Tout d’abord, il faut se sentir légitime. Les statistiques montrent ainsi que les femmes ont toujours tendance à s’excuser en début de réunion (la présentation ne fonctionne pas, on a deux minutes de retard, on met du temps à s’installer), ce qui nous place en position de faiblesse d’emblée. Il ne faut pas non plus hésiter à aller pitcher seule, ce que les investisseurs apprécient toujours, et à répondre soi-même aux questions des VC, même les plus compliquées, en reconnaissant toujours que ce sont de bonnes questions. Répondre directement et sans détours, aller droit au but. Avoir le cran de conduire la réunion de bout en bout et ne pas paniquer quand les choses ne prennent pas la direction que l’on avait espéré.

De par leur éducation, les femmes ont enfin tendance à vouloir effacer leur personnalité pour ne pas embarrasser leur interlocuteur. Une conception passéiste du comportement attendu des femmes que Kathryn Finney (voir bio ci-dessous) a élégamment balaye du revers de la main. Comme elle le dit si bien : « si vous ne vous mettez pas en avant dans toute votre singularité, la personne qui est en face de vous n’osera pas non plus se dévoiler… ce qui finira par être stérile et inconfortable pour tout le monde ».

On notera que le thème de la solidarité entre femmes est revenu à plusieurs reprises lors de cette journée dans le but de faire évoluer une industrie de Capital Innovation vers plus de diversité.

Comment entreprendre ?

Toutes les role-models présentes à la conférence nous apprennent qu’il ne faut pas confondre arrogance et confiance en soi. S’affirmer et croire en son idée est la clé de la réussite pour convaincre, qu’on soit un homme ou une femme. La présentation de quelques success stories (de videdressing.com à Ruby Receptionnists) par des entrepreneuses en constitue la preuve concrète. Ce qui est frappant, dans l’ensemble de ces parcours, est toujours l’originalité des parcours et le démarrage a toute petite échelle de projets très personnels au départ.

L’auteur Kelly Hoey a su conclure sur une tonalité encourageante pour toutes celles qui envisagent l’aventure entrepreunariale. Parmi ses conseils, on retient particulièrement la formule suivante :

Build your expertise : sachez vous spécialiser et trouver en vous ce qui vous différencie. Cultivez cette expertise pour en faire une force.

Build your network : sachez vous entourer IRL et sur les réseaux sociaux par ceux qui pourront vous aider. L’entreprenariat peut démarrer par des échanges de services et l’écoute de conseils de la part de ceux qui ont réussi.

Build your bank account: l’argent est le nerf de la guerre, il ne faut pas l’oublier.

Bref, comment ne pas avoir envie d’entreprendre face à l’enthousiasme contagieux de Catherine Barba et de ses invites ? Le WIN forum NY a largement réussi son pari, celui de créer une communauté de start-uppeuses prêtes à croquer l’avenir à pleines dents. Et ensemble !

Le top 5 phrases entendues au Win Forum NYC 2016 :

  • « On ne rend service a personne quand on efface sa propre personnalité »
  • « Les femmes, en tant que consommatrices, ont un poids plus important que les hommes dans l’économie. Il faut qu’elles réalisent enfin qu’elles détiennent un vrai pouvoir »
  • « Les filles, ne commencez jamais une réunion en vous excusant »
  • « Tout repose sur l’intention qui est la vôtre, si vous n’insistez pas, les choses n’arriveront pas d’elles même »
  • « Rêvez beaucoup, rêvez en grand mais commencez par créer de petites victoires »

Le top 3 des intervenants à suivre sur Twitter :

Kathryn Finney (@kathrynfinney) : fondatrice de Digitalundivided, elle a reçu de nombreuses récompenses pour son soutien à la diversité dans le monde de la tech aux Etats-Unis. Son fil twitter est une source inépuisable de conseils aux femmes qui souhaitent entreprendre. Elle poste également de nombreuses études et statistiques sur la féminisation (naissante) de l’industrie.

Kelly Hoey (@jkhoey) : Ancienne avocate convertie à la tech, Kelly est aujourd’hui auteur, journaliste, investisseur, pod-casteuse (BroadMic). Ces multiples casquettes et sa longue expérience au sein de l’écosystème américain des start-ups lui permettent aujourd’hui de dispenser de bons conseils aux femmes qui veulent entreprendre. Si vous voulez connaitre tous les secret pour construire un réseau professionnel, il faut attendre la sortie de son prochain livre Build your dream network (prévu pour 2017)… ou la suivre sur Twitter !

Jenny Fielding (@jefielding) : Managing director de Techstars, fonds et accélérateur pour start-ups, Jenny conseille les entrepreneurs et les oriente vers les bons interlocuteurs (conseils, fonds, mentors). Sensible aux projets des femmes, elle poste des articles de fonds et des portraits de start-ups sur son fil. A suivre pour creuser des sujets très divers mais toujours très tech.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le top 10 des VC américains à suivre sur les réseaux sociaux

  • Marc Andreessen (@pmarca) Fondateur de Netscape, créateur de Mosaic, Marc Andreessen utilise les réseaux sociaux comme une extension de la vraie vie. Naviguer sur son fil twitter, c’est purement et simplement entrer dans les méandres de la pensée d’un pro de l’innovation.
  • Mark Suster (@msuster et msuster) Pionnier et leader de la communication sur les réseaux sociaux, Mark Suster déploie des trésors d’inventivité pour promouvoir le monde des entrepreneurs et le milieu de la tech. Un exemple à suivre.
  • Rich Miner (@richminer) Dirigeant de Google Ventures sur la côte Est, Rich Miner est à la pointe de l’information et toujours le premier à tweeter les breaking news. Idéal pour suivre en temps réel la tech outre-Atlantique.
  • Chris Sacca (csacca: VC reconnu de la Sillicon Valley, Chris Sacca fait un usage régulier de Snapchat avec son associé de Lowercase Capital, Matt Mazzeo (mmazzeo). Leur idée? Partager leur aventure quotidienne de VC.
  • Fred Wilson (www.avc.com) Avec un post par jour, le blog de Fred Wilson est riche en informations pour les VC comme pour les entrepreneurs. De vidéos en notes en passant par des comptes rendus de conversations, il fédère une large communauté.
  • Shervin Pishevar (@shervin) Un des premiers investisseurs de Uber ou Airbandb, superstar outre-Atlantique, il nous renseigne sur l’industrie des start-ups et du capital innovation. Plutôt que nous assommer de conseils en tous genres, il choisit approche transverse pour aborder l’innovation.
  • David Biesel (GenuineVC) Investisseur chez Nextview, le blog de David aborde des sujets très concrets qui permettent aux entrepreneurs de réussir. Une mine de conseils pratiques.
  • Paul Flanagan (@pcflanagan) Fondateur de Sigma Prime Ventures et VC depuis vingt ans, son approche est très financière et technique. Spécialiste de la modélisation financière, il renvoie souvent sur le blog du fonds qui recèle une mine d’infos pour les start-uppers.
  • Christine Herron (@christine) En suivant Christine, investisseur chez Intel Capital, vous rentrerez dans le quotidien d’un investisseur. Son approche, personnelle (elle y mêle vie perso et pro) et rafraîchissante, rend cette industrie humaine, voire joyeuse. Parfois.
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Etats-Unis : quand les VC réinventent leur communication

Nourris à l’innovation et à la créativité des jeunes pousses qu’ils soutiennent, les fonds de capital innovation américains multiplient les façons de communiquer et usent de canaux inédits pour toucher leur audience. Dans un milieu où la compétition est féroce et les acteurs de plus en plus nombreux et puissants – 12,1 milliards investis dans des start-ups au seul premier trimestre 2016-, les Venture Capitalists n’hésitent plus à se réinventer pour se faire connaître et, surtout, pour faire vivre leur écosystème.

Twitter, l’incontournable

Dans cette bataille, Twitter est, sans surprise, le réseau privilégié des Business Angels et des VC.
A l’image de Jason Calacanis (@jason) avec 266.000 abonnés et pionnier en la matière, ces influenceurs d’un nouveau genre ne se contentent pas de promouvoir leurs investissements : ils distillent des conseils et des encouragements à destination des jeunes entrepreneurs. Sur Twitter, les investisseurs dévoilent souvent les dernières avancées en matière de technologie et, par dessus tout, leurs applications pratiques, souvent plus parlantes. Plus que telle ou telle start-up, ils aiment à souligner l’émergence d’une tendance de fond en laquelle ils croient… et/ou dans laquelle ils souhaiteraient investir. La méthode consiste principalement à retweeter des vidéos ou des articles d’experts.
Parmi ces twittos influenceurs venus du monde du Capital Innovation, on remarque notamment le travail de Mark Andreessen (voir notre top ci-dessous), fondateur de Netscape devenu VC en Californie. Avec plus de vingt tweets par jour, il a inventé avec son fonds a16z le concept de tweetstorm dédié à son industrie. En une dizaine (parfois plus) de tweets bien calibrés, il développe un argumentaire sur une sujet pointu. De la mort du PC au Cycle de l’innovation, les sujets évoqués font réagir toute la communauté du Capital Innovation outre-Atlantique. On retrouve sur le site du fonds la compilation de tous ses messages.

Snapchat, Periscope et podcasts : les nouvelles tendances

D’autres VC vont beaucoup, beaucoup plus loin pour faire vivre l’écosystème de l’innovation. Lier le fond et la forme est le leitmotiv de Mark Suster, LE VC américain qui communique le plus. A côté d’un fil Twitter qui rassemble plus de 246.000 abonnés, ce quadra est devenu le pape de Snapchat. Dans un récent article, le sérial entrepreneur devenu investisseur chez Upfront Venture va même jusqu’à expliquer comment et pourquoi cette plateforme peut être utile dans le secteur du Capital Innovation. Ses deux arguments ? Il ne faut pas se plaindre de ne pas être entendu par la communauté des 20-30 ans quand on ne s’adresse pas directement à elle. Par ailleurs, si on s’intéresse à la tech et à ses consommateurs, il n’y a pas de meilleur réseau. Sur son compte Snapchat, Mark Suster s’amuse à lancer régulièrement des « Snapstorms », séries de petites vidéos dans lesquelles il creuse un sujet, comme dernièrement celui des applis mobiles, et qui sont accessible pendant un temps limité. Chaque vidéo est courte, simple et facilement assimilable par l’internaute. En parallèle, le réseau social Periscope tire lui aussi son épingle du jeu en diffusant en live les grandes conférences ou démos technologiques. Toutefois, les VC se contentent de l’utiliser comme un complément de Twitter uniquement.

Mais l’autre grande nouveauté dans la communication des VC aux Etats-Unis est l’utilisation grandissante des podcasts. En 2014, le journaliste radio Alex Blumberg a souhaité lancer son propre groupe de média dédié aux podcasts. De l’invention du concept à la levée de 6 millions de dollars, cet entrepreneur a tout enregistré : ses discussions avec son associé, ses pitch devant les fonds, les interrogations et les moments de doutes quand il se confie à sa femme… mais également les discussions des investisseurs entre eux. De tous ces éléments, il a tiré une série sous forme de podcasts sous le nom de Start-upLe programme, qui en est aujourd’hui à sa troisième saison, est un carton d’audience, une référence dans le monde du Capital Innovation… et a inspiré un grand nombre de VC.  C’est ainsi que le fonds a16z, par exemple, a fondé sa propre série sous format audio (voir ici) pour aborder les dernières tendances de la tech, discuter du métier d’investisseur et évoquer les conseils utiles aux entrepreneurs. Le programme de podcast The Twenty Minute VC donne aussi la parole au monde du Capital Innovation sous forme d’interviews en évoquant leurs critères, leurs carrières et leurs problématiques financières.

Du fond, rien que du fond

Comme dans toutes les industries, il y a les faiseurs, les hâbleurs et ceux qui travaillent vraiment sur le fond. Une stratégie de communication ne va pas sans une étude approfondie des sujets. A ce titre, le géant Medium, réseau de partage éditorial, est largement plébiscité par les VC outre-Atlantique. Ces derniers y abordent en profondeur leur expertise via de longs éditoriaux ou textes techniques. Souvent de façon thématique, ils aiment y dévoiler leur savoir, quitte à tweeter un lien vers leur article. D’autres poursuivent l’écriture de leur blog, comme un véritable travail d’investigation qui dure souvent depuis des années. Voici quelques exemples intéressants : Mark Suster (toujours lui !), Tom Tunguz du fonds  Redpoint, Fred Wilson, légende vivante pour les start-uppeurs américains ou encore Andrew Chen.

Revenir à l’essentiel, c’est aussi ce que tentent de faire les fonds autour de dîners thématiques afin d’échanger IRL leur savoir avec une audience sélectionnée. A New-York, on ne compte plus le nombre d’événements de ce type qui réunissent investisseurs, start-uppeurs, journalistes et chercheurs. Un VC me confiait dernièrement : « nous ne voulons pas attendre que les médias s’emparent d’un sujet pour promouvoir nos expertises. Organiser un dîner ne coûte pas cher, c’est enrichissant pour tous les participants et cela fait découvrir une technologie ou une tendance de pointe à un public varié et hétérogène. Ce genre d’événement nous permet d’agir de façon proactive et de guider la curiosité du public ».

Finalement, c’est peut-être là que se cache le secret d’une communication réussie pour un VC : que ce soit par des moyens traditionnels, les réseaux sociaux ou des rencontres, il s’agit prendre le lead sur les sujets d’actualité et les imposer sur la place publique.

Qui est mieux placé qu’un fonds de capital innovation pour savoir ce qui est disruptif, connaître les tendances de demain et les nouvelles technologies ? Faire de son métier, de son savoir et de son positionnement naturel une force dans sa communication est certainement la clé.
Pour terminer, je remercie @Paul Strachman, investisseur chez ISAI (@ISAI_fr) qui connaît le milieu des VC américains comme sa poche et a su me guider dans cette recherche des nouvelles tendances !

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Qu’est ce que le Twitterstorm?

Phénomène propre au réseau social Twitter, un twitterstorm s’amorce lorsqu’un individu publie une information inédite ou controversée suivie d’un hashtag créé ad-hoc. Le sujet est alors repris et référencé de la même façon par les twittos. Quand le phénomène prend de l’ampleur et provoque une vague d’intérêt, le sujet apparaît dans les « Twitter trendings » ou Tendances (vous savez, en haut à gauche de l’écran).

Certains se sont même amusés à créer des catégories de twitterstorm. C’est le cas de Precise, une agence anglaise.

  • Le twitterstorm parfait: Commence sur Twitter, est repris dans les médias traditionnels et atteint ainsi une audience très large, au-delà du réseau social.
  • Le “Storm in a cup”: le sujet génère peu d’intérêt sur le réseau social mais est tout de même repris dans la presse. Un phénomène qui intervient quand les médias cherchent à anticiper une tendance avant son apparition véritable.
  • Le “Twitter-only storm”: c’est le buzz qui commence et s’achève sur Twitter sans jamais en sortir et qui touche un groupe spécifique d’internautes.
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Politique américaine et média sociaux : 140 caractères suffisent-il à gagner une élection ?

Si Barack Obama avait ouvert la voie en 2008, puis en 2012, avec des campagnes très novatrices sur internet, jamais, par le passé, des candidats à une élection présidentielle n’ont fait un usage aussi intensif des réseaux sociaux. Cet engagement sur Twitter, Facebook, Snapchat, Intagram et consorts suffit-il à gagner, sinon une élection, du moins de nouvelles voix ? Rien n’est moins sûr. Par ailleurs, quelles leçons les marques peuvent-elles tirer de cette course digitale à la Maison Blanche ?

Un nouveau vecteur de communication incontournable
Les réseaux sociaux constituent un outil puissant, qui rivalise désormais avec les vecteurs de communication traditionnels comme les meetings, les émissions de télévision ou les conférences de presse. Leur avantage ? Celui de pouvoir adresser un message personnalisé à tous, de façon directe et instantanée. Les candidats américains à la Maison Blanche ont saisi cette opportunité de communication et se sont tous lancés dans une course effrénée au follower. A tel point que les chiffres en deviennent vertigineux, chez les démocrates comme chez les républicains, et ce, sur l’ensemble des réseaux sociaux.  A titre d’exemple, Hillary Clinton et Donald Trump, les deux candidats les plus « digitaux » de cette élection, comptabilisent à eux seuls plus de 14 millions de followers sur les réseaux sociaux, l’équivalent de la population des Pays-Bas. De nombreux médias ont compilé les chiffres, comme CNBC ou intermarkets.net ci-dessous :

Des stratégies adaptées à chaque type de campagne
Toutefois, si on les examine dans le détail, les stratégies des candidats sur les réseaux sociaux sont bien différenciées. Tout d’abord, les politiques ne privilégient pas tous les mêmes plateformes. Certes, Twitter reste un moyen incontournable, pour toucher la Génération Y notamment. Mais certains ont décidé d’élargir le spectre. C’est le cas, par exemple d’Hillary Clinton, qui possède depuis près d’un an et demi un compte Snapchat, le réseau des 18-25 ans, ou de Jeb Bush, qui a annoncé sa candidature sur ce même réseau, ce qui fut une première historique. De son côté, Bernie Sanders, la coqueluche des jeunes américains, a vu grandir de nouvelles communautés sur Instagram baptisées #babesforbernie et #feelthebern. A noter : ces deux hashtags ont été créés de toutes pièces par les internautes eux-mêmes, sont devenus viraux en quelques jours et persistent depuis des mois. Le dernier a été utilisé près de 500 000 fois sur Instagram !

Une différentiation qui explique en grande partie les disparités d’engagement sur chacune des plateformes. Comme le montre le tableau suivant, qui s’efforce de noter la notoriété positive plutôt que le nombre absolu de followers, chaque candidat a su trouver une résonance sur un réseau social spécifique et ainsi créer son audience.

Source : Engagementlabs

Mais ce n’est pas tout : le type de contenu des messages lui-même diffère d’un candidat à l’autre. En y prêtant attention, les posts d’Hillary Clinton sont assez impersonnels et peuvent parfois manquer de spontanéité, donnant alors l’impression d’avoir été rédigés à l’avance dans le cadre d’une stratégie de campagne prédéfinie. Cet usage des réseaux sociaux lui est notamment reproché par les critiques qui soulignent le caractère « froid » et « éloigné de la population » de sa personnalité. Hillary Clinton tente toutefois régulièrement de s’adapter, notamment lorsqu’elle communique en espagnol pour toucher les communautés latinos. D’autres, comme Bernie Sanders, rebondissent souvent sur des polémiques ou sujets chauds abordés par les médias. Enfin, Donald Trump n’hésite pas à accroître encore sa visibilité médiatique via des tweets très subversifs, voire agressifs. Ses posts sont alors très souvent repris dans la presse américaine et internationale. Certains médias, comme le New York Times, s’amusent déjà cartographier les gens, lieux et sociétés qu’il a déjà insultés sur Twitter.

Voilà un extrait des critiques adressées à Barack Obama via Twitter :
“Weak & ineffective”“all talk & no action”“terrible”“I did much better on 60 Minutes last week than President Obama did tonight”“he is just so bad!”“has a horrible attitude”“Is our president insane?”“spends so much time speaking of the so-called Carbon footprint, and yet he flies all the way to Hawaii on a massive old 747”“perhaps the worst president in U.S. history!”“hollowing out our military” ; “incompetent leader”.

Il est enfin très significatif de noter que les candidats intéragissent rarement entre eux via les réseaux sociaux. Si Donald Trump a, par exemple, dernièrement interpelé Fox News ou le Pape via des messages sur Facebook, il twitte rarement pour obtenir une réponse de la part des principaux intéressés. Du côté des démocrates, Hillary Clinton et Bernie Sanders se répondent rarement de façon frontale mais se permettent d’évoquer les mêmes sujets, exposant chacun leur point de vue en parallèle.

Un exemple ici :

Les limites des réseaux sociaux : une audience limitée et un risque réel de dérapage 
Mais faire une campagne en 140 caractères sans sombrer dans le communautarisme, le manichéisme ou la caricature relève du défi.  Tout d’abord, il ne faut pas oublier que l’audience des réseaux sociaux reste limitée à un type de population. Les plus de 55 ans, nombreux aux Etats-Unis, constituent une population très difficile à toucher sur ces plateformes, comme le montre ci-dessous le graphique sur la démographie actuelle des utilisateurs des réseaux sociaux :

Source : Business Insider

Par ailleurs, on sait qu’internet exige des messages courts et forts pour interpeler les audiences quizappent rapidement d’un sujet à l’autre. Le mot d’ordre est donc de frapper juste et au bon moment. Un exercice périlleux qui a conduit à de nombreux dérapages. Un des derniers en date : un tweet de Jeb Bush, quelque jours à peine avant son éviction de la course à la Maison Blanche, avec une arme à feu gravée « Government Jeb Bush » et accompagné de la légende « America » a fait bondir les internautes.

Pendant cette course 2016 à la Maison Blanche, rares sont les politiques américains qui, à vouloir trop « forcer le trait » ne s’en sont pas mordus les doigts, comme l’explique la spécialiste des médias Nicole Larrauri. C’est le cas d’Hillary Clinton qui a essuyé une vague de critiques après avoir lancé un sondage sur Twitter sur un ton trop « jeune » au goût des internautes.

Un manque d’authenticité a également été reproché à Marco Rubio pour son Tweet sur le dernier film de rap Straight Outta Compton, faisant éclore un nombre incalculable de trolls.

Enfin, sur les réseaux sociaux, être suivi ou cité, ne signifie pas être apprécié. Voici, par exemple, un nuage des mots-clés associés le plus souvent à Donald Trump, candidat qui domine la campagne sur Internet, au sein de l’ensemble des réseaux sociaux :

Quelles sont les leçons les marques peuvent-elles tirer ?

Inscrire une campagne sur les réseaux sociaux c’est donc aussi la possibilité de se décrédibiliser à moyen terme… Le jeu en vaut-il réellement la chandelle ? La corrélation entre usage des réseaux sociaux et gains de nouveaux électeurs est un sujet qui passionne. Plus d’un millier d’études a été répertorié à ce jour. Dans le rapport « Social media use and participation: a meta-analysis of current research », deux statisticiens ont analysé 36 enquêtes pour en conclure qu’il n’y avait pas de corrélation entre la prise de parole sur les réseaux sociaux et l’engagement citoyen. Les messages à caractère politique tendent à encourager la participation pour les élections mais le font au même titre que les moyens traditionnels comme les pétitions, les appels au vote ou les manifestations. De plus, à ce jour, aucune étude n’a pu prouver que les médias sociaux pouvaient modifier la préférence d’un électeur pour tel ou tel candidat. Twitter, Facebook, Snapchat ou Instagram permettraient donc d’exister, de mobiliser une base électorale mais ne serviraient pas à s’en constituer une.

On peut considérer cette campagne présidentielle comme un essai de stratégie de marque à grande échelle. Cette expérience prouve, en premier lieu, que les internautes sont à la recherche d’une certaine authenticité de la part de ceux qui prennent la parole sur les réseaux sociaux. Avoir un contact direct et personnalisé avec les candidats, comme avec les marques, est un gage de réussite. Mais cette exposition au public est aussi un exercice risqué et difficile qui peut faire perdre autant qu’il peut faire gagner. Avant tout, ces réseaux permettent de consolider une communauté préexistante, de mettre en relations des électeurs, ou des consommateurs, géographiquement éloignés. Concevoir une stratégie de communication sur les réseaux sociaux est nécessaire mais loin d’être suffisant… les candidats malheureux à cette élection, quel que soit leur nombre de followers l’ont déjà compris.

Anna Casal – @ci_casal

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La journée de la femme aux Etats-Unis est–elle un non-évènement ?

Selon toute apparence, la journée internationale de la femme est un jour presque comme un autre aux Etats-Unis. Peu de manifestations, voire aucune, n’ont lieu le 8 mars pour inciter à l’égalité des sexes.

Un paradoxe, pourtant, quand on sait que ce pays n’est arrivé que 28ème, perdant ainsi 8 places en un an,  dans le classement des pays les plus égalitaires, publié par le Forum Economique Mondial en 2015. Quant au rapport publié chaque année par le Women’s Policy Research(IWPR), il n’est guère plus glorieux : en 2015, pour un dollar gagné par un homme, une femme gagne 78 cents aux Etats-Unis et 74 cents dans les foyers qui incluent un enfant mineur.

L’institut rapporte ainsi qu’au rythme actuel de la progression des salaires, il faudra attendre 2058 pour que les femmes gagnent autant que les hommes, et ce à qualification et travail égaux. Selon ses calculs, l’égalité des salaires hommes-femmes aux Etats-Unis réduirait de moitié la pauvreté au niveau national.

Ces inégalités divergent toutefois au sein même du territoire américain, note l’institut. Ainsi, dans les états du sud, au sein des classes sociales les plus pauvres, l’écart de salaire homme-femme est plus important chez les plus de 50 ans et chez les travailleurs les moins qualifiés. Autre fait étonnant d’un point de vue d’Européen: les Américaines ne bénéficient pas de droit de congé maternité rémunéré, même si certaines grandes entreprises comme Google ou Facebook commencent à leur accorder quelques semaines de congés payés à l’occasion de la naissance d’un enfant.

Il y a pourtant quelques nuances à apporter : malgré cet état de fait, la majorité des Américains admettent aujourd’hui que les entreprises dirigées par les femmes sont plus profitables que celles dirigées par des hommes.

De plus, en termes d’éducation, le fameux « gender gap » est de plus en plus réduit aux Etats-Unis. On apprend ainsi dans le rapport de Women’s Policy Research qu’il y a plus de femmes que d’hommes diplômées du « College » (équivalent des études post-bac) au sein de la génération Y.

Or, aux Etats-Unis, plus que partout ailleurs, il existe de grandes figures féminines médiatisées qui sont devenues de véritables sources d’inspirations pour les femmes américaines : de Melinda Gates en passant par Hillary Clinton ou Mary Barra, elles encouragent les jeunes générations à avoir des ambitions équivalentes à celles des hommes. Certaines pointures du monde de l’entreprise, comme Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, ont même choisi de devenir des porte-drapeaux de la cause. Avec le lancement de son mouvement Lean In, Sheryl interroge les réflexes qui nous ont été inculqués ou transmis et jouent en faveur des hommes dans le monde professionnel. Par exemple, elle note dans son livre éponyme (« En avant toutes » pour la traduction française) que les femmes ont tendance à s’excuser beaucoup plus que les hommes dans le domaine professionnel, se mettant ainsi en position d’infériorité. Mieux, Lean In dédie une partie de son site aux hommes sous le hashtag #leanintogether, en tentant notamment de sensibiliser les pères de famille.

C’est avant tout à travers ce genre d’initiatives, toujours menées par de grandes figures féminines, que se livre un combat pour la reconnaissance des femmes outre-Atlantique.  L’approche de Sheryl a ceci de typiquement américain qu’elle est créative, globale et passe par des vecteurs de communication complémentaires (site internet, fils sur les réseaux sociaux, création de communautés dans les grandes villes, diffusion de vidéos…). Cette approche très « marketée » du combat des femmes est avant tout une approche de long terme dont le point de départ est la société civile. Elle est américaine par excellence.

Pas de journée de la femme aux Etats-Unis, donc : cela signifie-t-il que l’on ne se soucie pas du « deuxième sexe » ? Bien au contraire, sur le territoire américain, le combat féministe est un combat de fond avant tout. Lorsque j’ai posé la question à des femmes américaines actives, elles m’ont unanimement répondu : dire qu’il y a un jour pour les femmes, signifie que le reste de l’année serait dédié aux hommes. L’une d’entre elles m’a rappelé, en ce sens, que le combat contre les discriminations de toutes sortes –race, sexe, orientation sexuelle, genre- était le principal combat d’une société américaine qui continue de croire en son rêve fondateur : celui d’un melting-pot où chacun est libre et accepté tel qu’il est.