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Les fonds français aux US (1/3) : quelle(s) stratégie(s) pour s’implanter aux Etats-Unis ?

Ils sont 13 aujourd’hui (source AFIC). 13 fonds d’investissement français de Capital développement ou de Capital innovation qui ont choisi de placer leurs pions aux Etats-Unis.Difficile d’en dresser une typologie tant leurs profils sont hétéroclites : d’Ardian, le mastodonte généraliste, à Cathay Capital en passant par Creadev, ISAI ou Bpifrance, tous pionniers de leurs secteurs, ils ont tenté l’aventure américaine. Mode, pari risqué ou axe structurant de développement?

A première vue, difficile de comprendre quelle place les fonds d’investissement français pourraient prendre sur ce marché. Comme l’avoue un investisseur français sous couvert d’anonymat, «il ne faut pas le nier, le marché américain est très difficile d’accès avec des valorisations très importantes et une concurrence monstrueuse. Y aller sans avoir réfléchi à son positionnement et sans réels moyens, c’est prendre un risque réel».

Avec plus de 2000 fonds de private equity locaux présents sur le marché américain, les Frenchies et leur modeste potentiel d’investissement font pâle mine. Delphine Descamps, Managing Director de Creadev USA, note : « la puissance de feu des fonds d’investissement américains est réelle et le marché très codifié. Par exemple, quand ils investissent en seed, pour être plus réactifs, ils le font très souvent en notes convertibles (obligations) et reportent ainsi les problématiques de valorisation et de pactes d’actionnaires à la série A (1er tour) ».Delphine Descamps explique également que les fonds d’investissement américains sont les champions de l’accompagnement et ce dans tous les domaines. « Les fonds d’investissement américains ont de plus en plus des compétences multiples en interne : marketing, RH, CFO… ». Chaque fonds d’investissement américain est également très spécialisé, que ce soit dans un secteur particulier ou dans un stade d’investissement précis (seed, série A, B ou C). Il s’agit d’un marché très structuré, donc, avec des codes bien précis et un fonctionnement rôdé depuis plusieurs années, voire des décennies.

Enfin, autre spécificité, le marché américain du Private Equity est très hétérogène sur son territoire: « Sur la côte Ouest, les fonds de private equity constituent un cercle très fermé : seuls un tiers d’entre eux participent aux meilleurs deals », note Delphine Descamps. Si on souhaite entrer sur ce marché, il faut être sur place car cela exige beaucoup de réactivité et de gros moyens pour investir dans les start-ups les plus intéressantes. « On voit énormément de start-ups soutenues en seed avec des valorisations très élevées du côté de la Silicon Valley », explique un investisseur.
Sur la côte opposée, à l’Est, la typologie des entreprises est différente : si San Francisco reste la Mecque de la tech, New-York attire, elle, des entreprises de plus grande taille et de secteurs plus diversifiés.Par ailleurs, « la côte Est est plus proche de l’Europe géographiquement, elle permet aux entreprises françaises d’approcher le marché américain en gardant les bases de la R&D en France avec une distance plus facile à gérer », souligne Delphine Descamps. Autre élément déterminant: les valorisations à New-York sont plus abordables que dans la Valley. Conséquence pour les fonds d’investissement français : ils privilégient largement la Grosse Pomme, avec 13 bureaux de fonds qui s’y situent, contre 3 sur la côte Ouest.

Différents types d’approche pour les fonds d’investissement français
Face à ces défis multiples, inhérents à un marché mature et hétérogène, les fonds d’investissement français ne reculent pourtant pas. Globalement, deux grandes stratégies d’approche du marché se dégagent. D’une part, les grands fonds de private equity qui investissent directement dans des entreprises américaines, surtout dans le métier du Capital développement.
Ardian reste le meilleur exemple, avec actuellement 15 investissements dans des entreprises américaines et 11 entreprises US déjà cédées. Dans ce cas, la présence in situ du fonds se justifie pleinement, puisqu’il s’agit d’accompagner les entreprises au quotidien, ce qui suppose d’en connaître finement la culture propre. D’autre part, certains investisseurs misent, eux, sur la volonté grandissante des entreprises françaises d’aborder le marché américain. « Du point de vue de la valorisation de leur entreprise, il est très intéressant pour les entrepreneurs de se développer outre-Atlantique », explique Paul Strachman, venture partner chez ISAI à New-York.

Pour répondre à cette demande, des fonds de private equity de taille modeste font donc le grand pas : ouvrir une antenne aux Etats-Unis pour accompagner le développement des entreprises en portefeuille.
L’avantage ? Pouvoir effectuer une veille, mettre en relation les entrepreneurs avec des réseaux (banques, avocats, conseils) constitués par le fonds en amont. C’est, par exemple, le cas de Creadev : « Avoir un bureau à New York est une réelle valeur ajoutée qui correspond à notre volonté d’accompagnement long terme et à notre vision internationale », souligne Delphine Descamps. Cette vision de partenariat cross-border est partagée par ISAI : « Notre bureau est dédié à l’accompagnement des entreprises françaises de notre portefeuille et à l’investissement dans des entreprises françaises déjà présentes aux US», indique Paul Strachman.
BPIFrance n’est pas en reste. Les fonds d’investissement français multiplient les initiatives pour promouvoir les start-ups françaises aux Etats-Unis en développant des programmes comme le USA Impact, en collaboration avec Business France.
Les fonds d’investissement de moyenne taille sont donc prêts à investir outre-Atlantique, dès lors qu’une opportunité -française- intéressante se présente à eux.
Enfin, certains, comme Creadev, notamment, profitent de leur présence sur le sol américain pour examiner des dossiers de start-ups américaines qui voudraient s’internationaliser, en France ou ailleurs dans le monde.

Des stratégies de communication adaptées

Le choix d’une stratégie de communication est crucial et doit donc être adapté aux objectifs globaux des fonds de private equity. Certains fonds d’investissement français essaient de gommer leurs origines ou, du moins, de se positionner comme des concurrents directs de fonds américains, en embauchant notamment des investisseurs américains dotés de réseaux et d’un beau track-record aux Etats-Unis. Ces fonds d’investissement font alors de leur présence aux Etats-Unis un élément constitutif de leur ADN. D’autres encore, la majorité en réalité, décident de communiquer en direction des entreprises françaises via des blogs ou la participation à des événements de place afin de se constituer un dealflow de qualité de start-ups désireuses de s’internationaliser.
En termes de communication, la présence aux Etats-Unis permet enfin d’importer les Best Practices et de jouer la carte américaine comme un réel « plus ». C’est le cas d’ISAI qui tend à innover avec des opérations de communication « disruptives » sur le marché français, directement inspirées des pratiques et des problématiques de fond du marché américain (qui feront l’objet d’une prochaine chronique).
Pour n’en citer qu’une, Paul Strachman est à l’origine du grand événement organisé en septembre dernier à Paris autour de l’Intelligence Artificielle, un thème très en vogue aux US et sur lequel la France dispose d’un fort potentiel. En rassemblant tous les acteurs d’un secteur, (fonds, sociétés, chercheurs, conseils intéressés par ces questions) et en s’associant, pour l’événement, à des fonds d’investissement américains, ISAI fait vivre tout un mouvement tech. « Notre objectif, via cette conférence, est de créer un pont pour les start-ups entre la France et les US. Le sujet de l’Intelligence artificielle est particulièrement intéressant puisque la France est en pointe en la matière et l’écosystème est déjà vivant. Il nous est donc paru pertinent de créer un lieu d’échanges pour faire émerger des start-ups françaises et partager leur savoir », note Paul Strachman. Au total, ce sont 400 personnes qui se sont retrouvés au sein du Hub BpiFrance pour échanger sur les applications pratiques et l’avenir de l’AI.

Le pari de s’implanter aux Etats-Unis peut donc se révéler payant, à la condition de bien connaître ce marché, unique en son genre et que l’on ait défini une stratégie bien précise. Les fonds  d’investissement français ont beaucoup à y gagner, en proposant des passerelles aux entreprises françaises et en s’inspirant d’un pays qui est en avance dans de nombreux domaines. Une chose est sûre : le mouvement n’est pas prêt de s’arrêter !

Par Anna Casal

I am an accomplished public relations professional with a strong background in finance, start-ups, law and crisis communications. I also spent over four years as a financial journalist in Paris. I believe I have a sound knowledge of French PR and its media market. I recently moved to the fascinating city of New-York.

As I have a deep passion for news and communications, I started to write articles and op-eds focused on the new PR trends and innovations in the USA. On a free-lance basis, I am also helping start-ups to innovate in their communication approach both in France and in the USA.

I received a Bachelor’s Degree in Philosophy from Nanterre University (Paris X) and an MBA from ESSEC, #3 European Business School according to the Financial Times 2014 ranking.

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