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Politique américaine et média sociaux : 140 caractères suffisent-il à gagner une élection ?

Si Barack Obama avait ouvert la voie en 2008, puis en 2012, avec des campagnes très novatrices sur internet, jamais, par le passé, des candidats à une élection présidentielle n’ont fait un usage aussi intensif des réseaux sociaux. Cet engagement sur Twitter, Facebook, Snapchat, Intagram et consorts suffit-il à gagner, sinon une élection, du moins de nouvelles voix ? Rien n’est moins sûr. Par ailleurs, quelles leçons les marques peuvent-elles tirer de cette course digitale à la Maison Blanche ?

Un nouveau vecteur de communication incontournable
Les réseaux sociaux constituent un outil puissant, qui rivalise désormais avec les vecteurs de communication traditionnels comme les meetings, les émissions de télévision ou les conférences de presse. Leur avantage ? Celui de pouvoir adresser un message personnalisé à tous, de façon directe et instantanée. Les candidats américains à la Maison Blanche ont saisi cette opportunité de communication et se sont tous lancés dans une course effrénée au follower. A tel point que les chiffres en deviennent vertigineux, chez les démocrates comme chez les républicains, et ce, sur l’ensemble des réseaux sociaux.  A titre d’exemple, Hillary Clinton et Donald Trump, les deux candidats les plus « digitaux » de cette élection, comptabilisent à eux seuls plus de 14 millions de followers sur les réseaux sociaux, l’équivalent de la population des Pays-Bas. De nombreux médias ont compilé les chiffres, comme CNBC ou intermarkets.net ci-dessous :

Des stratégies adaptées à chaque type de campagne
Toutefois, si on les examine dans le détail, les stratégies des candidats sur les réseaux sociaux sont bien différenciées. Tout d’abord, les politiques ne privilégient pas tous les mêmes plateformes. Certes, Twitter reste un moyen incontournable, pour toucher la Génération Y notamment. Mais certains ont décidé d’élargir le spectre. C’est le cas, par exemple d’Hillary Clinton, qui possède depuis près d’un an et demi un compte Snapchat, le réseau des 18-25 ans, ou de Jeb Bush, qui a annoncé sa candidature sur ce même réseau, ce qui fut une première historique. De son côté, Bernie Sanders, la coqueluche des jeunes américains, a vu grandir de nouvelles communautés sur Instagram baptisées #babesforbernie et #feelthebern. A noter : ces deux hashtags ont été créés de toutes pièces par les internautes eux-mêmes, sont devenus viraux en quelques jours et persistent depuis des mois. Le dernier a été utilisé près de 500 000 fois sur Instagram !

Une différentiation qui explique en grande partie les disparités d’engagement sur chacune des plateformes. Comme le montre le tableau suivant, qui s’efforce de noter la notoriété positive plutôt que le nombre absolu de followers, chaque candidat a su trouver une résonance sur un réseau social spécifique et ainsi créer son audience.

Source : Engagementlabs

Mais ce n’est pas tout : le type de contenu des messages lui-même diffère d’un candidat à l’autre. En y prêtant attention, les posts d’Hillary Clinton sont assez impersonnels et peuvent parfois manquer de spontanéité, donnant alors l’impression d’avoir été rédigés à l’avance dans le cadre d’une stratégie de campagne prédéfinie. Cet usage des réseaux sociaux lui est notamment reproché par les critiques qui soulignent le caractère « froid » et « éloigné de la population » de sa personnalité. Hillary Clinton tente toutefois régulièrement de s’adapter, notamment lorsqu’elle communique en espagnol pour toucher les communautés latinos. D’autres, comme Bernie Sanders, rebondissent souvent sur des polémiques ou sujets chauds abordés par les médias. Enfin, Donald Trump n’hésite pas à accroître encore sa visibilité médiatique via des tweets très subversifs, voire agressifs. Ses posts sont alors très souvent repris dans la presse américaine et internationale. Certains médias, comme le New York Times, s’amusent déjà cartographier les gens, lieux et sociétés qu’il a déjà insultés sur Twitter.

Voilà un extrait des critiques adressées à Barack Obama via Twitter :
“Weak & ineffective”“all talk & no action”“terrible”“I did much better on 60 Minutes last week than President Obama did tonight”“he is just so bad!”“has a horrible attitude”“Is our president insane?”“spends so much time speaking of the so-called Carbon footprint, and yet he flies all the way to Hawaii on a massive old 747”“perhaps the worst president in U.S. history!”“hollowing out our military” ; “incompetent leader”.

Il est enfin très significatif de noter que les candidats intéragissent rarement entre eux via les réseaux sociaux. Si Donald Trump a, par exemple, dernièrement interpelé Fox News ou le Pape via des messages sur Facebook, il twitte rarement pour obtenir une réponse de la part des principaux intéressés. Du côté des démocrates, Hillary Clinton et Bernie Sanders se répondent rarement de façon frontale mais se permettent d’évoquer les mêmes sujets, exposant chacun leur point de vue en parallèle.

Un exemple ici :

Les limites des réseaux sociaux : une audience limitée et un risque réel de dérapage 
Mais faire une campagne en 140 caractères sans sombrer dans le communautarisme, le manichéisme ou la caricature relève du défi.  Tout d’abord, il ne faut pas oublier que l’audience des réseaux sociaux reste limitée à un type de population. Les plus de 55 ans, nombreux aux Etats-Unis, constituent une population très difficile à toucher sur ces plateformes, comme le montre ci-dessous le graphique sur la démographie actuelle des utilisateurs des réseaux sociaux :

Source : Business Insider

Par ailleurs, on sait qu’internet exige des messages courts et forts pour interpeler les audiences quizappent rapidement d’un sujet à l’autre. Le mot d’ordre est donc de frapper juste et au bon moment. Un exercice périlleux qui a conduit à de nombreux dérapages. Un des derniers en date : un tweet de Jeb Bush, quelque jours à peine avant son éviction de la course à la Maison Blanche, avec une arme à feu gravée « Government Jeb Bush » et accompagné de la légende « America » a fait bondir les internautes.

Pendant cette course 2016 à la Maison Blanche, rares sont les politiques américains qui, à vouloir trop « forcer le trait » ne s’en sont pas mordus les doigts, comme l’explique la spécialiste des médias Nicole Larrauri. C’est le cas d’Hillary Clinton qui a essuyé une vague de critiques après avoir lancé un sondage sur Twitter sur un ton trop « jeune » au goût des internautes.

Un manque d’authenticité a également été reproché à Marco Rubio pour son Tweet sur le dernier film de rap Straight Outta Compton, faisant éclore un nombre incalculable de trolls.

Enfin, sur les réseaux sociaux, être suivi ou cité, ne signifie pas être apprécié. Voici, par exemple, un nuage des mots-clés associés le plus souvent à Donald Trump, candidat qui domine la campagne sur Internet, au sein de l’ensemble des réseaux sociaux :

Quelles sont les leçons les marques peuvent-elles tirer ?

Inscrire une campagne sur les réseaux sociaux c’est donc aussi la possibilité de se décrédibiliser à moyen terme… Le jeu en vaut-il réellement la chandelle ? La corrélation entre usage des réseaux sociaux et gains de nouveaux électeurs est un sujet qui passionne. Plus d’un millier d’études a été répertorié à ce jour. Dans le rapport « Social media use and participation: a meta-analysis of current research », deux statisticiens ont analysé 36 enquêtes pour en conclure qu’il n’y avait pas de corrélation entre la prise de parole sur les réseaux sociaux et l’engagement citoyen. Les messages à caractère politique tendent à encourager la participation pour les élections mais le font au même titre que les moyens traditionnels comme les pétitions, les appels au vote ou les manifestations. De plus, à ce jour, aucune étude n’a pu prouver que les médias sociaux pouvaient modifier la préférence d’un électeur pour tel ou tel candidat. Twitter, Facebook, Snapchat ou Instagram permettraient donc d’exister, de mobiliser une base électorale mais ne serviraient pas à s’en constituer une.

On peut considérer cette campagne présidentielle comme un essai de stratégie de marque à grande échelle. Cette expérience prouve, en premier lieu, que les internautes sont à la recherche d’une certaine authenticité de la part de ceux qui prennent la parole sur les réseaux sociaux. Avoir un contact direct et personnalisé avec les candidats, comme avec les marques, est un gage de réussite. Mais cette exposition au public est aussi un exercice risqué et difficile qui peut faire perdre autant qu’il peut faire gagner. Avant tout, ces réseaux permettent de consolider une communauté préexistante, de mettre en relations des électeurs, ou des consommateurs, géographiquement éloignés. Concevoir une stratégie de communication sur les réseaux sociaux est nécessaire mais loin d’être suffisant… les candidats malheureux à cette élection, quel que soit leur nombre de followers l’ont déjà compris.

Anna Casal – @ci_casal

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La journée de la femme aux Etats-Unis est–elle un non-évènement ?

Selon toute apparence, la journée internationale de la femme est un jour presque comme un autre aux Etats-Unis. Peu de manifestations, voire aucune, n’ont lieu le 8 mars pour inciter à l’égalité des sexes.

Un paradoxe, pourtant, quand on sait que ce pays n’est arrivé que 28ème, perdant ainsi 8 places en un an,  dans le classement des pays les plus égalitaires, publié par le Forum Economique Mondial en 2015. Quant au rapport publié chaque année par le Women’s Policy Research(IWPR), il n’est guère plus glorieux : en 2015, pour un dollar gagné par un homme, une femme gagne 78 cents aux Etats-Unis et 74 cents dans les foyers qui incluent un enfant mineur.

L’institut rapporte ainsi qu’au rythme actuel de la progression des salaires, il faudra attendre 2058 pour que les femmes gagnent autant que les hommes, et ce à qualification et travail égaux. Selon ses calculs, l’égalité des salaires hommes-femmes aux Etats-Unis réduirait de moitié la pauvreté au niveau national.

Ces inégalités divergent toutefois au sein même du territoire américain, note l’institut. Ainsi, dans les états du sud, au sein des classes sociales les plus pauvres, l’écart de salaire homme-femme est plus important chez les plus de 50 ans et chez les travailleurs les moins qualifiés. Autre fait étonnant d’un point de vue d’Européen: les Américaines ne bénéficient pas de droit de congé maternité rémunéré, même si certaines grandes entreprises comme Google ou Facebook commencent à leur accorder quelques semaines de congés payés à l’occasion de la naissance d’un enfant.

Il y a pourtant quelques nuances à apporter : malgré cet état de fait, la majorité des Américains admettent aujourd’hui que les entreprises dirigées par les femmes sont plus profitables que celles dirigées par des hommes.

De plus, en termes d’éducation, le fameux « gender gap » est de plus en plus réduit aux Etats-Unis. On apprend ainsi dans le rapport de Women’s Policy Research qu’il y a plus de femmes que d’hommes diplômées du « College » (équivalent des études post-bac) au sein de la génération Y.

Or, aux Etats-Unis, plus que partout ailleurs, il existe de grandes figures féminines médiatisées qui sont devenues de véritables sources d’inspirations pour les femmes américaines : de Melinda Gates en passant par Hillary Clinton ou Mary Barra, elles encouragent les jeunes générations à avoir des ambitions équivalentes à celles des hommes. Certaines pointures du monde de l’entreprise, comme Sheryl Sandberg, numéro deux de Facebook, ont même choisi de devenir des porte-drapeaux de la cause. Avec le lancement de son mouvement Lean In, Sheryl interroge les réflexes qui nous ont été inculqués ou transmis et jouent en faveur des hommes dans le monde professionnel. Par exemple, elle note dans son livre éponyme (« En avant toutes » pour la traduction française) que les femmes ont tendance à s’excuser beaucoup plus que les hommes dans le domaine professionnel, se mettant ainsi en position d’infériorité. Mieux, Lean In dédie une partie de son site aux hommes sous le hashtag #leanintogether, en tentant notamment de sensibiliser les pères de famille.

C’est avant tout à travers ce genre d’initiatives, toujours menées par de grandes figures féminines, que se livre un combat pour la reconnaissance des femmes outre-Atlantique.  L’approche de Sheryl a ceci de typiquement américain qu’elle est créative, globale et passe par des vecteurs de communication complémentaires (site internet, fils sur les réseaux sociaux, création de communautés dans les grandes villes, diffusion de vidéos…). Cette approche très « marketée » du combat des femmes est avant tout une approche de long terme dont le point de départ est la société civile. Elle est américaine par excellence.

Pas de journée de la femme aux Etats-Unis, donc : cela signifie-t-il que l’on ne se soucie pas du « deuxième sexe » ? Bien au contraire, sur le territoire américain, le combat féministe est un combat de fond avant tout. Lorsque j’ai posé la question à des femmes américaines actives, elles m’ont unanimement répondu : dire qu’il y a un jour pour les femmes, signifie que le reste de l’année serait dédié aux hommes. L’une d’entre elles m’a rappelé, en ce sens, que le combat contre les discriminations de toutes sortes –race, sexe, orientation sexuelle, genre- était le principal combat d’une société américaine qui continue de croire en son rêve fondateur : celui d’un melting-pot où chacun est libre et accepté tel qu’il est.

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Les médias aux Etats-Unis en 2016 ou l’émergence de nouveaux types de journalismes

Sous l’impulsion des réseaux sociaux, des blogs spécialisés et de la digitalisation de l’information, le secteur des médias a récemment connu une profonde mutation aux Etats-Unis qui remet en question l’ensemble du secteur et ses acteurs.

Le nombre de publications et de médias a connu une explosion sans précédent aux Etats-Unis au cours des dernières années. Radios, TV, journaux online pointus et ultra spécialisés voient le jour quotidiennement, cherchant à offrir à chaque individu-client une information sur-mesure toujours plus ciblée sur ses sujets de prédilection. En 2016, on compte plus de 1300 quotidiens, 8200 sites d’information en ligne et 39 000 journalistes employés sur le territoire américain. Si certains s’amusent de cette offre pléthorique, d’autres s’interrogent sérieusement sur un phénomène qui peut conduire à une véritable désinformation et à la diminution, par une forme de dilution, du pouvoir des grands médias « professionnels ».

Medias: la digitalisation change la donne

Le phénomène n’est pas entièrement une nouveauté : la digitalisation des médias s’accentue de jour en jour aux Etats-Unis comme en Europe. C’est depuis 2006 que la presse papier américaine voit ainsi son revenu et le  nombre de ses lecteurs décroître continuellement, ces derniers se tournant progressivement vers le web et les réseaux sociaux, comme le montre le graphique suivant :


Source : Oxford (Reuters Institute)
L’utilisation des téléphones portables et le développement des réseaux wi-fi gratuits partout sur le territoire américain, notamment dans les grandes métropoles, a entraîné un véritable plébiscite pour ce moyen de communication qui offre un accès facilité à l’information Selon le rapport du Pew Research Center sur les médias US en 2015,  les usages des lecteurs américains ont ainsi connu une révolution qui s’est largement accentuée cette dernière année : aujourd’hui 39 des 50 plus grands sites d’information online sont consultés en majorité à partir d’un téléphone mobile. Conséquence : au-delà des formats courts qui sont privilégiés, la lecture de l’information s’en trouve accélérée et excède rarement 4 minutes par article.

Aussi, au sein de ce nouvel environnement médiatique, observe-t-on désormais deux grandes tendances émergentes et diamétralement opposées, résumées par le graphique ci-dessous :

Source : Businesswire

En à peine un an, Buzzfeed, mélange d’entertainment et d’informations peu fouillées, a ainsi imposé son modèle en doublant sa part d’audience (voir rapport Tow Center for digital journalism). Paradigme d’un nouveau type de journalisme évalué au nombre de clics, il semblerait que son ascension soit  implacable. Doit-on alors considérer que les Américains privilégient désormais l’information superficielle dont les frontières avec le pur marketing restent floues ? Rien n’est moins vrai : à l’autre bout du scope, on voit désormais quelques grands médias traditionnels redresser la barre avec succès. En misant sur l’investigation journalistique, l’approfondissement de sujets d’actualité transverses, certains medias ont su tirer leur épingle du jeu. C’est par exemple le cas du Huffington Post ou du New York Times, dont les parts d’audience respectives ont augmenté d’un tiers en un an. Deux journalismes semblent donc se faire face actuellement, tout en continuant à chercher un modèle économique pérenne.

Des evolutions qui menacent journalistes et communicants?

Or, pour les communicants, l’avènement d’internet 2.0 va de pair avec une remise en question des pratiques traditionnelles des relations presse. Les journalistes sont toujours plus demandeurs de contenu prêt à l’emploi et interagissent directement avec les entreprises via les réseaux sociaux, reléguant parfois les communicants à un rôle annexe. Richard Anderson, fondateur de Thomson Financial’s Global Consulting Group explique pourquoi les conditions de travail se sont durcies : « La relation des communicants aux médias a connu une profonde évolution. Certes, il existe encore de grands médias (télévision, radio et hebdomadaires) incontournables pour un public large. Mais leur modèle s’est transformé : au fil des ans, et du fait de contraintes économiques, on a accordé davantage d’espace à la publicité, au détriment du pur contenu journalistique. A ce titre, la concurrence dans les relations presse s’est accrue à New-York pour remplir cet espace de plus en plus réduit. » Aujourd´hui à New-York, le ratio attaché de presse / journaliste est de 30 pour un, loin devant le ration parisien de 4/1. Dans une interview, ce communicant chevronné décrit également l’impact d’internet sur l’écosystème des médias outre-Atlantique: « Les communicants et les journalistes ont de moins ne moins de rapports humains, tout passe désormais par la technologie (e-mails et média sociaux). » Les journalistes disposent rarement d’un numéro de téléphone direct où on pourrait les joindre. De plus, avec l’essor des réseaux sociaux, notamment de Twitter, ces derniers accèdent directement à l’information et peuvent interagir en direct avec les entreprises. Les relations presse doivent donc redéfinir leur rôle, en misant sur leur capacité à construire des messages : « Les communicants ont toujours une utilité et un rôle à jouer auprès des médias. Nous savons raconter une histoire et écrire un pitch efficace. En tant que spécialistes des médias, nous pouvons adapter le discours d’une entreprise à l’angle recherché par un journaliste en fonction de la ligne éditoriale de sa publication. Dans des situations de communication de crise, en tant que tierce personne, nous avons également plus de légitimité à contacter la presse que l’entreprise elle-même ».

Si les perspectives du secteur des médias engendrent des remises en question pour les communicants, le phénomène est également vrai pour   les journalistes : tous voient dans ces évolutions un risque réel de confusion entre marketing et pur journalisme. Dans le rapport annuel Business Wire Media Survey, les journalistes expriment ainsi leur vision mais surtout leurs appréhensions face à la transformation rapide de leur écosystème. A la question « quel est votre sujet d’inquiétude principal autour du secteur des médias ? », ils répondent à 66,5% « le nombre de clics prend le pas sur la qualité des contenus journalistiques ». Autrement dit, les journalistes sont de plus en plus évalués en fonction de critères marketing, au détriment du fond, Buzzfeed en étant le meilleur exemple. En deuxième position, la robotisation du journalisme et la déshumanisation de la fonction inquiète les professionnels des médias. Du côté des communicants,  Richard Anderson partage le même constat : « Progressivement, la Muraille de Chine qui séparait traditionnellement le marketing et le journalisme est en train de s’effriter. La presse est de plus en plus prise en otage par les contraintes économiques et les groupes dont elle dépend. Je ne suis pas très optimiste car cette tendance est vouée à s’amplifier dans les prochaines années. Heureusement, nous sommes encore loin d’autres modèles anglo-saxons tels que le modèle britannique dans lequel les frontières entre journalisme et marketing sont depuis longtemps très floues ! » A en croire cette affirmation, le modèle médiatique américain possède toujours une marge…. et conserve avant tout cette capacité à s’interroger et à se réinventer !

Anna Casal