Catégories
Blog Médias Stratégie

PR pro: rencontre avec…. Richard Anderson ou comment les médias US se sont transformés

J’ai rencontré Richard Anderson, pro des PR et des relations investisseurs, qui a conduit l’ensemble de sa longue carrière à New York. Parmi ses faits de guerre, il a notamment fondé Thomson Financial’s Global Consulting Group et a dirigé le département Communication financière de la célèbre agence Fleishman-Hillard. Dans sa brownstone de Carroll Gardens, nous avons évoqué l’évolution de son métier et du paysage médiatique américain.

Richard, vous avez commencé votre carrière dans le monde de la communication en 1967. Quelles sont les principales évolutions de votre domaine depuis vos débuts?

 La transformation progressive du métier de communicant est allée de pair avec les révolutions technologiques de ces cinquante dernières années. Traitement de texte, ordinateurs, fax, internet et emails puis l’apparition des bases de données en ligne et enfin des réseaux sociaux… autant d’évolutions technologiques qui ont modifié en profondeur notre façon de travailler. En 1967, par exemple, j’étais chargé de l’édition et de la publication de rapports annuels pour ma société Textron, appartenant au Fortune 50. Pour être prêts en mars, nous commencions cinq mois plus tôt. Des copies papiers nous étaient envoyées par courrier, nous écrivions à la main nos corrections et les renvoyions. Il pouvait y avoir près de 80 brouillons échangés avec l’imprimeur. Aujourd’hui, on peut partager et corriger les documents très simplement sur internet, ce qui simplifie énormément les process et réduit considérablement les coûts.

Vous estimez donc que la technologie est un progrès pour les RP?

Disons que cela modifie en profondeur la façon dont on délivre l’information au public. Par exemple, aujourd’hui, les rapports annuels des sociétés sont en ligne mais personne ne les imprime et ne les lit en entier. Les investisseurs ont un accès direct à l’information et ne sont pas obligés d’attendre les rapports annuels imprimés… Toutefois, même s’ils ont accès à des informations précises, ils n’ont plus de vision globale de l’entreprise.

Revenons aux médias : comment ont-ils évolué aux Etats-Unis lors des dernières années ?

La relation des communicants aux médias a connu une profonde évolution. Internet a eu comme effet de faire exploser le nombre de médias aux Etats-Unis. Il y a une myriade de publications de niche avec, chacune, son public-cible limité et bien défini. En parallèle, il existe encore de grands médias (télévision, radio et hebdomadaires) incontournables pour un public plus large. Ces derniers ont également vu leur modèle se transformer : au fil des ans, et du fait de contraintes économiques, de la diminution des annonceurs publicitaires, on a accordé davantage d’espace à la publicité, au détriment du pur contenu journalistique. A ce titre, la concurrence dans les relations presse s’est accrue à New-York pour remplir cet espace de plus en plus réduit. Les communicants et les journalistes ont de moins ne moins de rapports humains, tout passe désormais par la technologie (e-mails et média sociaux).

Parlons justement des médias sociaux et de l’essor de Twitter notamment. Les journalistes peuvent accéder directement à l’information et interagir avec les entreprises. Reste-t-il un espace pour les relations presse ? 

Je pense que les communicants ont toujours une utilité et un rôle à jouer auprès des médias. Nous savons raconter une histoire et écrire un pitch efficace. En tant que spécialistes des médias, nous pouvons adapter le discours d’une entreprise à l’angle recherché par un journaliste en fonction de la ligne éditoriale de sa publication. Dans des situations de communication de crise, en tant que tierce personne, nous avons également plus de légitimité à contacter la presse que l’entreprise elle-même.

Comment décririez-vous le paysage médiatique américain en 2016 ?

 Je ferais une comparaison simple avec la politique américaine : ici, il existe deux partis, chacun se prononçant sur des sujets différents, visant deux publics distincts. Nous sommes une « pluralistic nation », constituée de nombreuses communautés ayant des intérêts et des sujets d’inquiétudes particuliers. Chaque petit groupe se reconnaît à travers son média bien particulier. Par exemple, si je suis chrétien, je vais disposer d’une chaîne de télévision, d’un journal, d’un blog et d’un hebdo chrétiens. Aujourd’hui, les médias représentent cette pluralité… si bien qu’il y a un média par personne ! J’exagère évidemment mais chacun peut choisir sa propre source d’information. Par conséquent, les médias grand public perdent progressivement de leur influence sur ces différentes communautés. La qualité du journalisme a souffert de la prolifération des médias. Les grands noms de la presse sont certes reconnus mais ils ne disposent pas de l’expertise de certaines publications de niche. Cela met les journalistes généralistes dans une situation difficile. Ils attendent de nous des informations « prêtes à l’emploi », qu’ils peuvent réutiliser facilement.

Comment envisagez-vous le futur des médias ?

Progressivement, le Mur de Chine qui séparait traditionnellement le marketing et le journalisme est en train de s’effriter. Les grands groupes de presse sont de plus en plus pris en otage par les contraintes économiques et les groupes dont ils dépendent. Je ne suis pas très optimiste car cette tendance est vouée à s’amplifier dans les prochaines années. Heureusement, nous sommes encore loin d’autres modèles anglo-saxons tels que le modèle britannique dans lequel les frontières entre journalisme et marketing sont depuis longtemps très floues !

 

 

Catégories
Blog Chronique Fonds Innovation Start-ups Stratégie

Start-uppers : comment approcher un VC américain ?

Plus de 72 milliards de dollars : tel est, pour 2015, le montant investi outre-Atlantique dans les start-ups. Pour la seule ville de New-York, les fonds de capital innovation ont mis sur la table 7 milliards de dollars –  record historique -, dont 293 millions uniquement en seed-money(rapport AlleyWatch).

Ces chiffres impressionnants constituent aujourd’hui une opportunité unique pour les starts-ups françaises attirées par le Capital Risque US. Aux Etats-Unis, l’investissement moyen d’un fonds est de 1,3 million de dollars pour la seed money, un fantasme pour tout start-upper. D’autant que la liste des heureuses 6683 start-up élues chaque année outre-Atlantique reste très ouverte aux projets étrangers, à condition de savoir à qui s’adresser et de disposer des clés pour le meilleur « pitch » !

Avant tout, il faut pouvoir détecter les nouvelles tendances du secteur du Capital Risque. Si ce dernier, en nombre de fonds impliqués, est en expansion aux Etats-Unis (cf. graphique ci-dessous), attirant notamment des fonds français comme ISAI, les starts-ups intéressées doivent bien prendre en compte une évolution significative de ses contours.

Nombre de nouveaux fonds aux Etats-Unis / an
Source : PitchBook

  • Ciblez les fonds de petite et moyenne taille : selon l’analyse annuelle de Cambridge Associates, on observe un mouvement de  déconcentration des acteurs du domaine du capital risque. Quand, il y a encore quelques années, seuls quelques grands fonds se taillaient la part du lion, émergent aujourd’hui de nouvelles entités, plus petites, plus spécialisées et plus proches de l’opérationnel (« hands-on »), qui tirent leur épingle du jeu. Ces nouveaux fonds adoptent une stratégie de différenciation et poussent loin leurs recherches d’investissements, notamment en early-stage. Entre 2000 et 2015, la part des fonds de moins de 500 millions de dollars représente en moyenne 46% des gains de l’industrie du venture.
  • Ouvrez-vous à de nouveaux horizons: aux Etats-Unis comme en France, les entreprises elles-mêmes n’hésitent plus à investir dans les start-up, souvent pour capter de nouvelles technologies. Dans le sillage de l’open-innovation, de nombreux incubateurs et accélérateurs voient le jour…en drainant des millions. Une étude récente du MIT démontre que la création d’un accélérateur dans une région américaine entraine un accroissement de 104% de la présence de Business Angels et de 1830% du volume investi en dollars par des fonds ou des corporates dans l’aire géographique concernée. Sachez cibler le bon type de fonds -corporate ou non- et une localisation pertinente : il existe de très nombreuses opportunités en dehors de la Silicon Valley.
  • Comment entrer en contact avec le fonds qui vous fera grandir ? Oubliez les bases de données ou les emails envoyés spontanément aux Capital-risqueurs. Aux Etats-Unis, le monde des starts-ups et des fonds est si vaste qu’il faut personnaliser son approche pour se démarquer. Selon Meritage Fund, qui s’est penché sur la question, la meilleure façon d’y arriver est d’être présenté au fonds par votre avocat, votre banquier ou, mieux, par un entrepreneur qui a été financé par votre cible. Pour trouver l’intermédiaire idoine, les réseaux sociaux sont précieux : contactez ces « successful entrepreneurs » via Twitter ou LinkedIn pour leur proposer un RDV et exposer votre stratégie. Il y a quelques années, ils étaient dans votre situation : personne n’est mieux placé qu’eux pour vous comprendre et vous écouter! Dans tous les cas,  briefez toujours en amont votre intermédiaire en lui fournissant un document clair et synthétique comprenant la description de votre activité, de son potentiel développement et les raisons d’y investir.

Une fois intégrées ces évolutions du secteur du Venture Capitalism, à vous de prendre la parole et de « pitcher ». Que recherchent les fonds de capital innovation américains ? Comment communiquer avec un VC ? Internet recèle de nombreux exemples de pitchs réussis (http://bestpitchdecks.com) dont on peut aisément s’inspirer. Or, s’il existe bien entendu une prime à l’originalité, certaines bases sont incontournables pour espérer réussir l’exercice.

  • Personnalisez votre discours : racontez une histoire dans laquelle votre entreprise, son marché cible et l’intervention du fonds ont des rôles clairs et cohérents. Pour ce faire, inspirez vous de l’historique des investissements du fonds à qui vous vous adressez. Mieux, ayez en tête la biographie de votre interlocuteur qui, selon son parcours, sera plus sensible à telle ou telle technologie.
  • Parlez principalement du marché : « We are attracted to hugely disruptive companies », tel est le leitmotiv de Marlon Nichols, investisseur chez Intel Capital, comme celui de la plupart de ses confrères. En d’autres termes, il s’agit d’expliquer en quoi vous proposez une rupture qui va engendrer l’émergence d’un marché alternatif au marché traditionnel. En la matière, Uber reste le modèle absolu du genre. A vous de souligner votre bonne connaissance du marché existant, de quantifier le nouveau marché le plus précisément possible et d’exposer votre business model.
  • Pensez à la théorie des deux M : votre vision du Marché et de ses évolutions tendancielles doit être doublée d’une présentation pertinente du Management de votre projet.Plus la société est jeune, plusle « pitch » s’approche d’un entretien d’embauche : mettez en valeur votre propre parcours professionnel, les projets que vous avez déjà réalisés et la complémentarité des profils au sein de l’équipe dirigeante.
  • Enfin, cultivez votre relation de long terme avec le fonds : envoyez régulièrement de vos nouvelles, partagez vos succès et les différentes étapes du développement de votre société. Meritage Fundsconseille également de proposer au fonds de rencontrer d’autres sociétés du même secteur en portefeuille pour partager et faire évaluer votre technologie ou votre produit.

Le Capital innovation américain s’intéresse de plus en plus aux pépites situées à l’international, qui constituent désormais 50% du total des revenus de ce secteur (étude Cambridge Associates). Les frenchies, dans la mouvance de la Frenchtech notamment, sont aujourd’hui en excellente position, en termes de réputation, pour profiter pleinement de cet intérêt croissant aux Etats-Unis. « The american dream can come true », pour peu que l’on sache s’en donner les moyens !

Anna Casal